ROMAN AMÉRICAIN — The American Dream a déjà fait couler beaucoup d’encre. Teddy Wayne brode sur ce thème bien connu en imaginant les espoirs et les déconvenues d’un jeune Qatari dans le pays de l’oncle Sam. Véritable Candide moderne, Karim sera-t-il broyé par l’Amérique, ou parviendra-t-il à s’intégrer ?
Informaticien brillant, Karim Issar est muté de Doha, où il a toujours vécu, à New York pour travailler sur le bug de l’an 2000. Nous sommes en effet en 1999. Pour le jeune homme, c’est une opportunité fabuleuse de conquérir les États-Unis. Mais il est difficile de s’intégrer quand on est incapable de comprendre l’humour américain ou que l’on a du mal à appréhender les coutumes locales. Plein de bonne volonté, Karim travaille dur. Tellement dur qu’il met sur point Kapitoil, un programme visionnaire qui prévoit les évolutions de la bourse selon les faits divers dans les pays pétroliers… Karim devient rapidement la poule aux œufs d’or de l’entreprise qui l’emploie…
Kapitoil met en scène l’arrivée aux États-Unis d’un jeune homme prometteur et intègre qui découvre, émerveillé, un pays qui représente à ses yeux l’avenir et le champs des possibles. Kapitoil a alors tout de la fable : un garçon naïf, mais plein de bonnes attentions, découvre un monde qui s’avère rapidement corrompu. Karim est rapidement déconcerté par ce qu’il peut observer aux États-Unis : opportunisme, irrespect et humour douteux. Lorsque le jeune homme découvre ses futurs collègues, il observe des mœurs qui l’étonnent. L’alcool coule à flot, la drogue circule dans les soirées, la drague est omniprésente. Karim semble débarquer sur une nouvelle planète, il ne comprend rien, de l’humour aux relations entre collègues. Sa seule bouée de sauvetage est le langage informatique et sa logique. Car Karim analyse tout en permanence. Épris de nouvelles expériences et connaissances, Karim enregistre tout et tâche d’assimiler tout ce qu’on lui dit.
Soucieux d’être accepté, Karim essaie tout, de la bière au sexe, en passant par la musique, tâche de réutiliser les jeux de mots qu’on lui apprend et de répéter les gestes qu’il observe. Peu à peu, il s’éloigne de son éducation. Au fur et à mesure qu’il grimpe les échelons dans son entreprise, il se demande s’il ne se perd pas en chemin. Sa vie à Doha lui semble lointaine. Il est de plus en plus souvent en conflit avec son père, très traditionnel, et pousse sa jeune sœur à se rebeller. Pour le jeune homme, il est difficile de ne pas se laisser contaminer par la frénésie de cette fin de siècle.
Karim vivra-t-il son American Dream ? Arrivera-t-il à vaincre l’incompréhension qui règne entre l’Amérique arrogante et toute puissante et son éducation au Qatar ? C’est la question que pose ce roman, qui nous montre un New York tout puissant, deux ans avant le 11 septembre. Le lecteur se prend d’amitié pour ce jeune homme déraciné, perdu entre deux cultures, et qui fait tellement d’effort pour s’intégrer. Profondément bon et généreux, Karim semble ouvrir peu à peu les yeux sur la violence et l’injustice du monde. Kapitoil n’est pas vraiment une comédie, bien que certains passages prêtent à sourire. C’est un roman d’apprentissage très bien ficelé, qui se dévore avec beaucoup de plaisir.
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