NOUVELLES — La figure de la femme au foyer américaine, cette fameuse « American Housewife » qui donne son titre au recueil de nouvelles d’Helen Ellis, possède de multiples facettes : généralement, la fiction s’emploie à nous dévoiler le côté sombre de ces « Martha Stewart » du quotidien, car c’est, avouons-le, ô combien réjouissant d’imaginer ces ménagères parfaites basculer du côté de l’immoralité, voire même du crime. Rappelons le succès incroyable de la série Desperate Housewives dans les années 2000 ! On aime à croire que derrière ces palissades bien blanches et ces petits paniers remplis de muffins se cachent de terribles secrets, et quelques pulsions meurtrières.
L’American Housewife d’Helen Ellis ne vit pas qu’en lotissement dans une banlieue américaine anonyme, elle arpente aussi l’Upper East Side et vit dans un magnifique appartement à quelques pas de Central Park, dans un de ces immeubles avec gardien et cooptation. Elles sont privilégiées, ont l’habitude tout avoir, que tout fonctionne comme sur des roulettes : elles sont prêtes à tout pour cela.
Les nouvelles d’Helen Ellis sont un petit bijou d’humour grinçant et de cynisme. La plus réussie d’entre elles, « La guerre des lambris », met en scène un affrontement entre deux voisines au sujet de leur palier. Sous une forme épistolaire remise au goût du jour, elles s’envoient des vacheries au sujet d’une broutille, d’un élément apparemment futile du quotidien, mais qui vire chez ces dames à l’obsession… à la plus grande joie du lecteur ! C’est d’un drôle ! On en redemande !
Et que dire de « Chine avec les stars », qui met en scène une romancière has been qui participe à une émission à la croisée entre Un trésor dans votre maison et Les Reines du shopping ? À lire cette histoire courte, on prend son pied tout simplement, tant le ton employé est délicieusement acerbe. Du présentateur caricatural qui en prend pour son grade aux participants (mention spéciale au couple de scientologues, coucou Tom Cruise !), en passant bien sûr par le message sous-jacent (la dictature de l’audience, la manipulation des séquences et même, osons-le, la triche institutionnalisée dans ce genre de téléréalité), tout est mené d’une main de maître par l’auteur.
Ne passez pas à côté de ce recueil satirique à souhait, qui décortique le rêve américain et désacralise le modèle de l’American Housewife : découvrez ces héroïnes qui, bien loin d’être parfaites, sont au mieux névrosées et prêtes à tout, au pire meurtrières… Cette promenade le long de la 5e avenue ne sera pas de tout repos, c’est promis !
American Housewife, Helen Ellis. Éditions de la Martinière, 2016. Traduit de l’anglais par Sophie Brissaud.
Il a tout pour me plaire ce recueil! La rentrée des découvertes commence bien pour moi. Merci!