ROMAN ITALIEN — Quand on est vieux, on peut tout se permettre et il n’est plus nécessaire de faire semblant : tel est le credo de Cesare Annunziata, Napolitain de 77 ans. Désormais veuf, Cesare entend passer ses journées comme il l’entend, à converser avec son vieil ami Marino, ou à profiter des charmes de Rossana, une prostituée qu’il fréquente assidument. Mais à Naples, impossible d’être tranquille ! Quand son fils Dante ne s’invite pas chez lui avec des aliments bio qu’il veut absolument lui faire essayer, ou quand sa fille Sveva ne l’envoie pas chercher son fils à l’école au pied levé, c’est sa vieille voisine, férue de félins, qui l’interpelle sur le palier qu’ils partagent… À son âge, Cesare entend bien être enfin tranquille !
Mais malgré ses bravades et ses abords bourrus, Cesare est un homme plutôt seul, plein de regrets, qui va devoir les affronter au fil du roman… Quand il se rend compte qu’une de ses voisines, Emma, est battue par son mari, Cesare y voit l’occasion, peut-être, de se rattraper et d’être enfin à la hauteur.
Voilà un très joli roman, qui, bien qu’il nous conte des choses très difficiles, est porteur d’un message plutôt optimiste : il n’y a pas d’âge pour essayer de s’améliorer et pour tendre la main vers l’autre. Cesare, qui a toujours été un père froid et désinvolte, se rend compte à plus de 70 ans qu’il n’a été très présent pour ses deux enfants, à tel point que son fils, Dante, n’ose pas lui avouer son homosexualité, que Cesare a pourtant devinée depuis longtemps déjà. Si le roman de Lorenzo Marone ressemble de prime abord à une sympathique comédie sur la vieillesse, le ton se durcit quand Cesare comprend que sa jeune voisine subit les violences de son mari. Si les idées de Cesare et de son acolyte Marino pour aider la jeune femme prêtent à sourire au début, elles perdent rapidement leur potentiel comique quand le lecteur et les deux petits vieux se rendent compte de la gravité de la situation.
Autre prise de conscience importante dans le roman, Cesare se rend compte qu’il est important d’exprimer l’amour et la fierté qu’il ressent pour ses enfants, et qu’il est crucial qu’il s’intéresse aux détails de leur vie, même s’il le fait de prime abord très maladroitement. C’est que Cesare est un véritable ours mal léché, pas très doué pour parler sentiments ! Le choix d’une narration à la première personne du singulier ne peut que nous le rendre attachant car, ainsi, on comprend chacune de ses décisions, passée ou présente. La famille Annunziata n’a rien de caricaturale et la relation père/enfant montrée dans ce roman n’ont rien de manichéenne. Malgré les griefs, et le ressentiment, on ressent bien l’amour qui anime Cesare, Dante et Sveva.
Voilà donc un roman intéressant à noter dans la profusion de la rentrée littéraire, car il explore la dynamique des liens familiaux avec beaucoup de justesse et nous offre le portrait d’un petit vieux mémorable et très touchant, l’inénarrable Cesare Annunziata ! On n’a probablement pas fini d’entendre le nom de Lorenzo Marone, ni celui de Cesare, car ce roman est en passe d’être adapté sur grand écran.
La Tentation d’être heureux, Lorenzo Marone. Belfond, 1er septembre 2016. Traduit de l’italien par Renaud Temperini.
Soyez le premier à commenter