ROMAN AMÉRICAIN — Peut-on imaginer un microcosme plus flamboyant, plus passionnant que le New York des années 80 ? Véritable melting pot culturel, carrefour artistique, la métropole est en pleine effervescence à l’aube de cette décennie : c’est cette atmosphère si particulière que Molly Prentiss a voulu saisir avec New York, esquisses nocturnes.
Indéniablement, ce roman a su capturer l’essence d’une époque et d’un lieu : les rues de Manhattan, les squats d’artistes, les appartement bourgeois où l’on encense l’art autour d’une coupe de champagne sont rendus avec une vivacité et un réalisme à saluer. Alors que la Grosse Pomme s’apprête à célébrer l’avénement d’une nouvelle année et mieux, d’une nouvelle décennie, deux personnages se croisent : un artiste et un critique d’art.
Le premier, Raul Engales, a laissé derrière lui sa soeur et son passé en Argentine pour tenter l’aventure américaine : né aux États-Unis, il était porteur d’un passeport américain, sésame pour une nouvelle vie loin de la guerre et des exactions. À New York, il a découvert le bouillonnement de la vie culturelle de l’ère Warhol. Il est à « ça » de percer, de devenir quelqu’un. Le second est également quelqu’un qui « monte ». Critique d’art en vogue, James Bennett s’est taillé une réputation d’esthète au goût sûr. Devenu le maître des métaphores, grâce à sa synesthésie, il fait la pluie et le beau temps dans le milieu de l’art : même ses avis négatifs sont perçus comme une bénédiction par les artistes auxquels il s’intéresse.
Il émane de ce roman beaucoup d’affection et une profonde nostalgie pour ce Manhattan aujourd’hui disparu, dans lequel évoluait certaines des figures les plus marquantes de l’art de cette fin de siècle : Keith Haring, Andy Warhol, Jeff Koons, Jean-Michel Basquiat… Si aujourd’hui encore, New York est indéniablement une des villes les plus passionnantes et les plus inspirantes du monde, avec quelques uns des musées les plus intéressants de la planète, cette effervescence créatrice tout particulière, propre au début des années 80 est passée, et Molly Prentiss y rend hommage à merveille. Son écriture, élégante, maîtrisée, délicieuse, contribue à susciter ce sentiment de nostalgie chez le lecteur, en imposant à l’esprit les scènes et les panoramas décrits par l’auteur : cette force visuelle est un des nombreux atouts du roman. Aux côtés de Raul et de James, on voyage dans le temps et l’espace pour découvrir l’ambiance inimitable de Downtown Manhattan… On aurait beau parcourir les rues aujourd’hui, on ne saurait pas retrouver ce que Molly Prentiss nous propose avec autant de brio. Comme James, elle manie la métaphore avec bonheur, jouant avec les couleurs, faisant de son récit un véritable feu d’artifice de nuances, de bruits et d’odeurs typiquement new-yorkaises.
C’est un grand premier roman que nous proposent les éditions Calmann-Lévy en cette rentrée. Encensé par la presse française, New York, esquisses nocturnes plaira aux amateurs d’art, aux amoureux de New York mais également à tous ceux qui aiment se perdre, le temps d’une lecture, dans un univers totalement différent de celui de leur quotidien. Si vous avez aimé City on Fire, dont l’ambiance n’est pas sans rappeler celle du roman de Molly Prentiss, foncez !
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