Un roman sur l’American Dream : Voici venir les rêveurs

Voici venir les rêveurs, Imbolo Mbue

NEW YORK — Voilà un roman qui a fait beaucoup parler de lui avant même sa sortie française, créant l’événement à la célèbre foire de Francfort, en 2014. Et dire que Voici venir les rêveurs est un premier roman ! Signé par Imbolo Mbue, Voici venir les rêveurs nous plonge dans l’intimité d’un couple africain qui ne rêve que d’une seule chose : pouvoir construire sa vie au pays de l’oncle Sam.

Nous sommes en 2007/2008, un peu avant la crise économique qui va frapper le monde, et Manhattan en particulier. Cela fait déjà plusieurs années que Jende, un Camerounais d’une trentaine d’années, vit en Amérique en espérant décrocher la carte verte. Voilà un an et demi, il a fait venir sa compagne, Neni, et leur fils, Liomi, dans l’espoir de commencer une vie meilleure. Au Cameroun, en effet, les parents de Neni s’opposaient à leur mariage. Autrefois, Jende a même été mis en prison après que Neni soit tombée enceinte… En Amérique, pour ce jeune couple, tout semble possible, malgré le parcours du combattant que représente une demande d’asile, surtout quand, comme Jende, on n’a pas véritablement de motif pour la demander.

La vie de Jende prend un tournant très positif lorsqu’il est embauché comme chauffeur par les Edwards, une famille aisée de New York. Clark, le mari, est trader chez Lehman Brothers. Puisque nous sommes à la fin des années 2000, vous devinez la suite : Lehman Brothers fait faillite en septembre 2008. Dans ces conditions, alors que la crise économique déferle sur le pays, l’American Dream tiendra-t-il ses promesses ?

C’est un premier roman très maîtrisé que nous propose Imbolo Mbue : elle arrive à saisir à la perfection l’atmosphère d’une époque et d’un lieu, en l’occurence New York en 2007/2008, en pleine campagne présidentielle et à l’aube de la crise. Si le début du récit est chargé d’espoir, que résume à merveille le célèbre slogan de celui qui deviendra le président Obama, « Yes We Can », l’ambiance à New York évolue sensiblement au fil de l’histoire. La récession frappe de plein fouet et Jende prend conscience que l’Amérique n’est peut-être plus « the land of milk and honey », le lieu de tous les possibles. Si pour lui, obtenir ses papiers était le but ultime, l’assurance d’une vie à l’abri du besoin, il déchante rapidement quand il se rend compte que même les Américains ne sont pas épargnés par le chômage et la pauvreté. L’image glamour de l’Amérique, glanée dans les séries TV, en prend un coup. C’est une terrible prise de conscience, progressive et très humaine, que nous donne à voir Imbolo Mbue.

New York est-elle une ville où l’on vit mieux que Limbé, d’où viennent Jende et Neni ? C’est une question qui hante le couple tout au long du récit. Si la réponse leur semble évidente au tout début, elle l’est bientôt de moins en moins. Le couple est-il prêt à tout pour rester aux États-Unis ? Nous vous laissons le découvrir.

Voici venir les rêveurs nous en apprend beaucoup sur la difficulté de s’installer aux États-Unis : Jende est prêt à dépenser des milliers de dollars pour un véritable parcours du combattant juridique, qui peut durer des années. En réalité, ses transactions avec l’avocat Boubacar ont tout de l’arnaque. Celui-ci dépose appels sur appels de manière à ce que pendant ce temps-là, Jende reste en Amérique, Boubacar s’en mettant plein les poches chemin faisant. Jende et Neni vont être broyés par le système américain : que restera-t-il de leurs rêves après la faillite de Lehman Brothers ?

On pourrait penser que, lourd de cette actualité tendue, de cette crise économique imminente, Voici venir les rêveurs serait un roman sombre et triste : ce n’est en réalité pas du tout le cas, bien au contraire. C’est un roman chargé d’espoir, où la famille et l’amitié tiennent un rôle central. C’est également un récit sur la rencontre de deux cultures, symbolisée probablement par le lien que nouent Jende et Neni avec les Edwards, et tout particulièrement leurs fils. On se souvient ainsi d’une soirée mémorable, que les fils Edwards ont passée chez Jende et Neni à découvrir la gastronomie camerounaise. On se souviendra également de l’ouverture d’esprit et des bras ouverts de la communauté religieuse à laquelle Neni participe, ou même de la complicité ténue qui se noue entre Jende et son patron.

Un roman que nous vous conseillons donc vivement, si vous souhaitez découvrir une des facettes les plus récentes et les plus marquantes de l’American Dream.

Voici venir les rêveurs, Imbolo Mbue. Belfond, 2016. Traduit de l’anglais par Sarah Tardy.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.