FRESQUE FAMILIALE — Si vous me lisez depuis longtemps, vous savez peut-être que j’ai un faible tout particulier pour les fresques familiales et historiques. Aussi, de passage en librairie, je n’ai pu qu’être attirée par le titre de ce livre de Juliet Nicolson : Mères, filles, sept générations. Parcourant à toute vitesse la quatrième de couverture, j’ai été confortée dans mon sentiment que ce livre était fait pour moi : il retrace l’histoire familiale de Juliet Nicolson de 1830 à nos jours.
Il faut tout d’abord préciser que Juliet Nicolson a l’écriture dans le sang : sa grand-mère n’est autre que Vita Sackville-West, connue pour ses livres, et son amitié avec Virginia Woolf. Son père, Nigel Nicolson, était éditeur et lui-même auteur. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Juliet Nicolson prenne à son tour la plume, forte des textes écrits par ses prédécesseurs sur les figures les plus illustres de la famille. Si je voulais moi-même me prêter à l’exercice, je me heurterais bien vite à un obstacle : au-delà de la 3e génération qui m’a précédée, je ne sais rien de mes ancêtres, si ce n’est leur nom. Comment ont-il vécu, qui étaient-ils vraiment ? Mystère. Juliet Nicolson a eu heureusement accès à ces informations, car ses ancêtres tenaient des journaux, et que certains d’entre eux ont eu la bonne idée de retranscrire les souvenirs et la vie de ceux qui les ont précédés.
L’histoire familiale de Juliet Nicolson s’ouvre sur le personnage charismatique de Pepita, née en 1830 dans un quartier populaire de Malaga. Elle nous entraînera par la suite à Arcachon, où sa trisaïeule subit un terrible ostracisme, à Paris, à Washington DC sous la présidence de Chester Arthur, en Angleterre pendant un siècle, à New York dans les années 1980. Incroyable parcours familial qui se déploie sous les yeux effarés et conquis du lecteur !
Car la famille de Juliet Nicolson regorge d’incroyables personnalités : comment ne pas tomber sous le charme de Pepita, célébrissime danseuse de flamenco dans l’Europe du XIXe siècle, de Victoria, l’hôtesse la plus admirée de la bonne société washingtonienne, ou Vita, bien sûr, sulfureuse et fascinante ? C’est avec une précision d’historienne, mais également avec un souffle romanesque indéniable, que Juliet Nicolson déroule l’écheveau de sa lignée, décortiquant avec justesse cette ligne de filiation mères/filles, bien que toutes ces femmes ne soient pas forcément liées par le sang (elles le sont, sinon, par le mariage). Décrivant aussi bien l’amour filial que la jalousie, les secrets de famille que les liens étroits de celle-ci avec les figures célèbres de leur époque, Juliet Nicolson fait du lecteur un confident, presque un membre de la famille. Le lecteur, aux côtés de cette narratrice hors-pair, parcourt les maisons familiales (la villa Pepa à Arcachon, Knole et Sissinghurst en Angleterre), et peut même mettre un visages sur les noms qu’il croise dans le récit, grâce à deux appendices de photos.
Pour qui aime suivre une même famille des décennies, voire des siècles, durant, ce récit est précieux, et passionnant. Les membres de la famille de Juliet Nicolson ont vécu une vie de roman et même si le rythme s’essouffle un peu en deuxième partie de récit, quand celui-ci touche des gens actuellement en vie, ce n’est que pour gagner en émotion, car on sent que la narratrice s’investit encore davantage. On quitte Mères, filles, sept générations à regret, avec le sentiment étrange de laisser là des gens que l’on connaît, et qu’on ne retrouvera plus jamais. Une lecture étonnante.
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