Jusqu’ici, tout va bien : une pépite jeunesse

Jusqu’ici, tout va bien, de Gary D. Schmidt, L’école des loisirs

JEUNESSE — Jusqu’ici, tout va bien est le second roman de Gary D. Schmidt traduit en français. Déjà auréolé du prix du meilleur livre Jeunesse pour l’année 2017, il continue son petit bonhomme de chemin et semble conquérir tous les lecteurs qu’il rencontre. Nous n’avons pas fait exception !

1968. Nous faisons la connaissance de Doug, qui a 14 ans et dont la vie n’est pas facile tous les jours. Lorsque son père (violent, soit dit en passant) perd son travail, toute la famille déménage à Marysville, une petite ville perdue et sans intérêt. Malgré tout, Doug va lutter pour s’intégrer et pour devenir celui qu’il a envie d’être (et non pas une pâle copie de son père ou de son frère, violents et aigris). Sur son chemin, une ribambelle de personnages tous plus attachants les uns que les autres vont l’aider à se construire, malgré les coups durs successifs que Doug va devoir affronter.

Cette quête initiatique va tout naturellement commencer à la bibliothèque municipale de Marysville, où le jeune homme va faire la connaissance de M. Powell, bibliothécaire et amateur de dessin à ses heures perdues. Là-bas est en effet exposé un exemplaire des Oiseaux d’Amérique, de John James Audubon, dont les planches vont frapper Doug en plein coeur. C’est la révélation : le garçon, bien trop souvent qualifié de voyou au vu des faits et gestes de son frère, va se passionner pour le dessin. Il va d’ailleurs pouvoir compter sur le soutien indéfectible de Lil, sa nouvelle amie. Ce fil rouge sur les oiseaux est très poétique et très bien amené : l’intérieur de la couverture qui reproduit des planches d’Audebon est d’ailleurs magnifique et chaque ouverture de chapitre est illustrée avec l’espèce mise à l’honneur dans le texte. On sent que même Doug se surprend lui-même à aimer dessiner, il se prend la claque de sa vie en découvrant le premier oiseau et n’aura de cesse, d’ici à la fin du roman, de réunir toutes les planches vendues ou offertes.

Jusqu’ici, tout va bien, de Gary D. Schmidt, L’école des loisirs

Tour à tour rageant, dur, tendre, révoltant et plein d’espoir, ce livre sait vous faire passer par tout un panel d’émotions. Le récit est fait par Doug lui-même, à la première personne, avec ses mots simples et maladroits d’adolescent, avec son vocabulaire parfois décomplexé. Il râle, il bougonne, il ressasse ! Parfois d’un pessimisme accablant, victime des injustices sociales, Doug se révèle également solaire : au détour du sourire de sa mère, un crayon à la main, quand il nous parle de ses oiseaux … Le garçon n’hésite d’ailleurs pas à interpeller son lecteur : le contrat de lecture que l’on passe avec lui est donc très très fort. Il nous appartient d’imaginer ce que Doug sous-entend, à demi-mot, avec beaucoup de pudeur. Et tout est loin d’être toujours rose …

Le début est un peu lent à se mettre en place (disons le premier tiers du roman), le temps pour le lecteur de s’habituer à la narration de Doug et pour l’auteur de bien planter son décor et ses personnages secondaires. On regrettera d’ailleurs l’absence de références historiques dans cette partie-là du récit, qui peine donc à nous immerger dans les années 60. De ce point de vue là, l’histoire se rattrapera complètement par la suite au vu des problématiques abordées. À travers le récit, on va pouvoir suivre la guerre du Vietnam, telle qu’elle a été vécue par les familles de soldats et par les vétérans. On vivra aussi l’enthousiasme de la conquête de la Lune, notamment à travers le personnage du prof de physique de Doug.

Jusqu’ici, tout va bien est le genre de livre dont on prend la pleine mesure en le refermant. C’est une petite pépite jeunesse qui saura tour à tour vous faire enrager et sourire, mais qui, toujours, laissera la part belle à l’espoir et une furieuse envie d’en découdre avec la vie.

Jusqu’ici, tout va bien, de Gary D. Schmidt. L’école des loisirs, janvier 2018. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Caroline Guilleminot.

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