COUP DE COEUR — Aujourd’hui, je vais récidiver et redonner voix à l’Emily de seize ans que j’ai été autrefois. J’ai remarqué que les romans que je considère comme mes préférés à ce jour ont été des découvertes de l’adolescence. Je vous ai parlé de L’Assassin royal, déjà, mais il est temps que je vous parle du deuxième pilier de ma vie littéraire en 2006/2007 : Les Chroniques des vampires ! Peut-être avez-vous déjà entendu parler d’Entretien avec un vampire ? Peut-être avez-vous vu l’adaptation de Neil Jordan, avec Brad Pitt et Tom Cruise dans les deux rôles principaux ? Non ???? Allez, zou, au boulot !
En 2006, je connaissais de nom ces romans. C’était un peu sulfureux. Je me disais qu’un jour arriverait où il faudrait bien les lire, à force d’en entendre parler. Et l’occasion est arrivée : avec mes comparses Léïla et Angeline, nous avons décidé de consacrer notre TPE (travaux personnels encadrés, un gros dossier et un oral en classe de première) au mythe du vampire à travers les siècles. Il faut que je vous précise que le vampire m’a toujours fascinée, et ce, dès la primaire. Le premier livre que j’ai écrit, à 7 ans, était Le Vampire au pantalon jaune, avec des illustrations signées Luc et Jordan. CULTE. Bref, je commence à potasser le sujet, je lis Bram Stoker, tout ça, tout ça, et Patrick, un garçon de ma classe, me prête Entretien avec un vampire et Lestat le vampire…
J’ai passé un après-midi très marrant chez Léïla, avec Angeline, à préparer l’oral du TPE— qui comme je l’ai probablement déjà dit (mais j’aime à me répéter) est sur les vampires et m’a permis de découvrir Lestat (sourire d’extase)— et à rire (le vampire est un cadavre de crétin qui va dormir dans sa crétin box) et à manger du gâteau au chocolat, succulent par ailleurs (à en manger les miettes tombées à terre ).
Ce TPE, de prime abord, ça avait l’air d’être du gros LOL : mais je l’ai vraiment bossé, j’étais vraiment passionnée par ce sujet. Quand on voit ce que l’oral a donné, ça fait un peu mal au coeur. Vous voulez savoir, hein ?
Lecture, lecture… Je viens de terminer le magnifique, le sublime Voleur de Corps de mon auteur préféré, Anne Rice et ai aussitôt entamé Memnoch le démon. Quel plaisir de retrouver Lestat que je n’avais plus retrouvé depuis La Reine des damnées !
Ouai. Carrément. Mon auteur préféré. Rien que ça ! Bon, pour la petite anecdote, nous étions alors en 2007, et je n’ai pas terminé Memnoch le démon avant 2010. Il faut dire que malheureusement, la série s’essouffle après Le Voleur de Corps. Mon préféré de la série reste Lestat le vampire. Alias l’histoire d’un des personnages les plus charismatiques de la littérature fantastique. Voui, madame !
Souvent, il est question d’eux. Cachés aux tréfonds d’un roman d’horreur, ou héros flamboyants d’une épopée dédiée à leur espèce, ils sont là, plus qu’un simple thème, un mythe à eux tous seuls. On les voit parfois arriver à grand galop, et aussitôt deux lèvres pâles s’entrouvrent pour dévoiler un sourire étincelant, et deux yeux bleus glacier vous transpercent. La pièce est emplie de son égo surdimentionné. Bien sûr, vous lisez son autobiographie. Je suppose que vous voyez de qui je parle. Ex-idole, il caracolait sur scène, hurlant au monde sa nature de… vampire. Mais à la base, je ne voulait pas parler de Lestat. Bien que dès qu’on parle de vampires, il se presse aux portes de notre mémoire, levant le doigt pour qu’on le voit mieux. Sacré Lestat.
Oui, Lestat est un personnage hors-norme, et je pense qu’il incarne le mieux la nature même du vampire. En revanche, je ne vous dirais pas de quel autre vampire j’allais vous parler dans le prélude de cet article. Vous n’avez qu’à deviner. Indice : ça a beaucoup moins de classe. Mais j’avais seize ans, j’étais jeune et candide. Ceci explique cela.
L’éclat furtif de deux yeux d’un bleu surnaturel dans le noir, deux lèvres rouges s’entrouvrant sur deux canines d’une blancheur opaline au tranchant acéré… une masse de cheveux d’or sautant sur ses épaules à chacun de ses pas… Prenez garde, humains ! Voici Lestat, le sublime, le complexe, le séduisant, le charismatique, le merveilleux, le terrifiant, le fascinant Lestat. Que ce nom résonne à vos oreilles et y demeure gravé : nous n’avons pas fini de l’évoquer.
Ah, l’emphase propre à l’adolescence ! Je vous le vends bien non ? Je ne suis pas attachée de presse pour rien.
Mesdemoiselles, vous avez succombé à son charme vampirique. On parle déjà de le cloner, photocopier, dédoubler… Pauvre Lestat, il n’ose sortir de chez lui de peur de tomber sur une horde déchaînée de fans en furie. C’est dur la vie d’ex-rock star, d’autobiographe passionné, de vampire glamour. Quand j’aurais le temps je le plaindrais.
Je n’ai toujours pas trouvé le temps. Pour la petite histoire, Lestat est né au XVIIIe siècle, dans la France de l’Ancien Régime. Noble désargenté monté à Paris pour triompher sur les planches, il est tombé à la place sous les crocs d’un vampire, qui en a fait son héritier avant de se suicider et de le laisser seul dans un charnier empli de corps d’autres jeunes hommes blonds (charmant !). Après moult péripéties décrites par Louis dans Entretien avec un vampire, Lestat a sombré dans un profond sommeil pendant quelques décennies avant d’émerger dans la fougue des années 80. Il décide alors tout bonnement de devenir rock star et de crier à la face du monde la vérité : c’est un vampire. Bien sûr, personne ne le croit, les fans sont hystériques, et il s’attire les foudres de ses congénères… Un vampire rock star ? Il fallait oser.
Mais à y réfléchir, Lestat est peut-être bel et bien à plaindre : immortel, condamné à errer ici-bas jusqu’à ce que la fin du monde vienne mettre un terme à sa vie, obligé de se nourrir des humains, qui furent autrefois ses semblables, voir l’avènement et la chute des empires et régimes, voir de nouvelles inventions supplanter les anciennes et de nouvelles encore venir remplacer celles-là. Piégé dans une vie sans fin, dans la roue du temps, dans un monde en plein mouvement. Âme qui ne trouvera jamais le repos, prisonnière de son enveloppe de chair, toute attractive qu’elle soit. Pauvre Lestat donc.
Seulement lui ne voit sûrement pas les choses de cet oeil. Il voit le monde comme un vaste territoire à conquérir, l’évolution des choses comme un nouveau terrain de jeu, où acquérir de nouvelles connaissances. Léger et insouciant parfois, sensible et profond à d’autre moments, Lestat tourbillonne, vole et virevolte dans un monde en perpétuel mouvement.
L’immortalité. Ce mot seul me fait frissonner. Me serait-elle accordée que je la refuserais très certainement. Quelle serait donc l’utilité de vivre pour toujours si c’est pour voir la mort décimer peu à peu ses proches et amis tandis qu’on resterait vivant, figé pour toujours, indépendant du bon vouloir des Parques ? Je verrais davantage ceci comme une atroce punition plutôt qu’un cadeau. Et quand bien même Lestat en personne, accompagné de Louis , Edward et Armand (et peut-être même Dracula au fond) viendrait me visiter en me promettant monts et merveilles, faisant miroiter la possibilité d’une vie éternelle à ses côtés dans une enveloppe vampirique, ma réponse se limiterait à trois lettres : non. Même Lestat avec son visage d’ange et son sourire à tomber ne saurait me convaincre. De toute manière, j’aime bien trop le jour pour me cantonner à l’intérieur d’un cercueil, aussi luxueux et confortable soit-il, dès que le soleil pointera son nez. Pourquoi ne m’immerger que dans le monde froid, silencieux et vide de la nuit quand on peut au contraire se fondre dans le tourbillon de lumière et de bruits qu’est la vie diurne?
Vous l’aurez compris, c’est NON. Même si tout un harem de vampires frappait à ma porte. Entretien avec un vampire et consorts m’ont bien fait réfléchir sur la notion de temps qui passe, comme si j’en avais besoin, parce que c’était probablement mon obsession numéro une à l’époque (ça, et les garçons)…
Ah, et le TPE du coup ? Un fiasco ! La note se décomposait comme telle : 8 points attribués par les deux profs qui nous encadraient tout au long de l’année, 6 points pour le dossier écrit, 6 pour l’oral. Nous avions bien bossé, et les deux profs qui nous ont suivies nous ont mis 8 sur 8, en nous promettant une excellente note au final. Mais les deux glandus de profs (une prof de français et un d’anglais) que nous avons eu pour jurés ont décidé que le sujet ne les bottait pas. Sans avoir lu le dossier, ils nous ont mis 1 sur 6 pour l’écrit, et sans nous laisser faire notre présentation, 1 sur 6 à l’oral. Rien que d’y songer, plus de dix ans après, j’en tremble d’indignation. Malheureusement, à seize ans, je me suis laissée faire. La prof de français m’a ainsi demandé si je savais ce qu’étaient des guillemets. J’ai répondu que oui, que je les utilisais notamment pour les citations. « Alors, pourquoi n’y en a-t-il aucun dans votre dossier ? » a-t-elle demandé. J’ai dû lui ouvrir le dossier pour les lui montrer, comme les passages en anglais obligatoires que le prof d’anglais a dit ne pas avoir vus (va falloir repasser le CAPES, coco, si t’es pas fichu de reconnaître la langue que tu enseignes). Ils ont beau avoir avoué sans vergogne à ma prof principale qu’ils n’avaient pas lu le dossier et que le sujet les barbait, je me suis quand même retrouvée avec un petit 10/20 au lieu du 18 espéré au bac. Certains devraient revoir leur vocation…
En attendant, j’avais découvert une incroyable série de livres. J’ai passé les années qui ont suivi à citer Anne Rice à tout bout de champs : Beauty is a savage garden, etc… J’ai même ouvert un skyblog où je lui inventais un journal intime : ma seule et unique incursion dans le domaine de la fanfiction.
Coïncidence ? Les Chroniques des vampires sont revenues sur le devant de la scène littéraire la même année que L’Assassin royal. Que voulez-vous… c’était écrit !
Ah ah ! Même découverte à un âge similaire des formidables romans de Madame Rice. Pour l’assassin Royal c’était à peu près le même principe. Impossible de lâcher les livres, sauf pour enchaîner les nouveaux. Je ne sais pas si vous aviez lu Les chroniques de Krondor à l’époque qui étaient vraiment top. Un peu difficile de retrouver des petites pareilles aujourd’hui. Merci pour la petite madeleine de Proust ! Marquise
Ah, merci je note !!
C’est drôle, j’ai découvert comme toi Anne Rice à cette même époque, mais moi, j’ai détesté, alors que comme tu le sais Robin Hobb m’a conquise ! Comme quoi, le goûts…
Ah, qu’ils me barbaient ces vampires !
Par contre, je suis indignée de lire ce qu’il t’est arrivé avec la notation de ton TPE. Pff ! J’aurais adoré travailler là-dessus, en plus !
Mais moi aussi ! Mais visiblement le thème n’était pas assez sérieux pour eux…