L’Assassin royal : Emily, seize ans, vous raconte sa lecture !

L'Assassin royal, Robin Hobb

COUP DE COEUR — Aujourd’hui, je vais faire une chose peu commune : je vais laisser la parole à Emily, seize ans, élève de première littéraire, afin qu’elle vous parle de sa lecture d’une saga culte pour de nombreux lecteurs de fantasy : L’Assassin royal. Signés par Robin Hobb, ces romans nous plongent dans l’histoire de Fitz Farseer, un bâtard royal qu’on élève pour devenir assassin. À ce ce jour, dix ans (à quelques semaines près) après ma lecture des deux premières trilogies, ces romans restent mes livres préférés. Et vous qui me lisez régulièrement sur Café Powell, vous savez à quel point je lis ! Vous savez qu’en dix ans, j’en ai lu, des romans, et que L’Assassin royal aurait pu finir par être détrôné. Mais non. Jamais. Dix ans après, les personnages sont toujours aussi présents dans mon coeur de lectrice.

Aussi, plutôt que de faire une chronique distanciée, de vous parler avec recul de mon engouement pour ces romans, je me suis dit que j’allais vous livrer ma réaction à chaud. Mais comment, alors que l’Emily de seize ans n’existe plus que dans mes souvenirs ? J’ai tout bonnement exhumé mon blog de l’époque. Et c’est une adolescente exaltée qui vous confie sa passion naissante pour une série de livres…

L’Assassin Royal, Robin Hobb

Il y a plus d’un mois déjà , je l’ai [L’Assassin Royal] pris sur l’étagère, pensant que ce livre me plairait. Je l’ai tenu dans mes mains, ai passé la paume sur la couverture, l’ai retourné pour en lire le résumé. Mes yeux se sont posés sur les petits caractères noirs qui ornaient les pages blanches et… rien. Rien. Rien ne se passa. Je ne pouvais que dire que c’était bien écrit.

Oui, comme quoi. Je m’en souviens très bien. Les premières pages de L’Assassin Royal n’avaient rien d’une évidence à mes yeux. J’ai peiné à rentrer dans l’intrigue. C’était effectivement d’une perfection académique, fort bien écrit, mais froid, clinique. J’étais en vacances, sans grandes distractions, j’ai donc poursuivi. Et heureusement !

Mais je n’étais pas encore dedans. Et puis la magie opéra. Peut-être plus lentement que pour certains. Mais le principal est qu’elle m’a menée à une vraie addiction à ces livres. Le premier livre, les pages se tournent, les personnages se découvrent. Certains traversent le livre tels des météorites, semblent les plus importants, dissimulant au deuxième plan ceux qui plus tard nous exalteront vraiment. Aurais-je pu deviner en voyant pour la première fois le Fou par les yeux de Fitz ô combien je me suis pas la suite attachée à ce personnage? Et Fitz grandit, vieillit, apprend sous l’égide d’Umbre. Et je me sens obligée de me procurer rapidement les tomes qui suivent pour ne pas être à court.

Je me souviens. Les virées fébriles à la FNAC, le besoin d’avoir toujours au moins trois tomes d’avance, sur les treize parus à l’époque, au cas où. Par la suite, je suis partie en vacances, et les tomes m’accompagnèrent. Ils étaient tous dépareillés, certains en version poche, certains réunis en omnibus. Je m’en fichais : ce que je voulais, c’étaient les mots.

Fitz est humain, on se sent proche de lui. Chaque chose qu’on lui inflige semble se répercuter sur moi, pauvre lectrice prisonnière de l’attraction que ce livre a sur moi. Quelle galerie de personnages fascinante ! D’abord Fitz, l’assassin royal, le bâtard au vif, la magie des animaux, catalyseur de son temps. Exalté, virevoltant, dans toute la complexité de sa jeunesse. Et le Fou, mystérieux, dont on n’arrive même pas à déterminer le sexe et qu’on se contente de supposer homme, le Fou, prophète blanc parlant par énigmes et lié à Fitz par une amitié plus forte que les mots. Et Vérité, le roi de Fitz, bon et honnête, vers qui la loyauté comme l’affection de Fitz vont. Sans oublier tous les autres, la courageuse Molly, Astérie la ménestrelle, Kettricken la vaillante reine, le brave Burrich, le loup Oeil-de-nuit. Je ne peux que saluer le talent de l’auteur qui sait si bien peindre les couleurs du coeur et construire une épopée. Fine psychologue, romancière à la plume enchantée, elle renouvelle le monde de la fantasy. Je suis fan. Fitz vient d’entrer au Panthéon de mes héros préférés.

Tout ça, tout ça. Quelque part, c’était une révélation. Quand j’y pense, maintenant, avec le recul, je peux vous dire que les livres qui ont le plus marquée ma vie de lectrice ont été découverts à cette période. Je garde un souvenir ému de ma découverte de l’univers d’Anne Rice, quelques mois plus tôt. J’avais choisi de lire L’Assassin royal car je cherchais une saga de fantasy qui me plairait autant que Le Royaume de Tobin, qui avait alors le mauvais goût d’être incomplète : pour éviter la frustration d’attendre la sortie de la suite, j’avais choisi une série que je pensais complète (pour découvrir quelques sept ans après, qu’il n’en était rien…)… Mais l’Emily de seize ans vous l’expliquera sans doute mieux :

Autrefois, deux ans auparavant, je m’étais passionnée pour les aventures de Tobin : rien ne me semblait pouvoir égaler le souffle et la passion de son épopée. L’amour dont elle se meurt pour Ki, sa quête pour le trône, son secret, ont fait de ce livre un de mes grands coups de coeur. Je me dis que pour beaucoup, le succès d’un livre de fantasy repose sur des secrets, que ça soit celui de Tobin ou la véritable identité de Tom Blaireau , c’est-à-dire FitzChevalerie Loinvoyant. Et quand j’ai ouvert L’Assassin royal, je savais qu’il y avait de grands risques que ça me plaise, mais sûrement nettement moins que le livre précité. Avec un sourire, je me rappelle qu’ayant souffert du petit nombre de livres de la série de Tobin, j’avais jeté mon dévolu sur une série de 13 tomes, ni plus ni moins, 13 tomes de 300 pages minimum, et de surcroît une série déjà terminée. Quand j’ai débuté la lecture du premier tome, j’étais partagée : je n’étais pas encore entrée dans le livre mais je sentais avec certitude que ça arriverait. Et il a commencé à me faire subir une attraction assez impressionnante. Rentrant chez moi je savais que le livre, posé sur mon lit, m’attendait. Mais je ne le sentais pas capable de surpasser Tobin.

Perdu !

3 mois et 9 livres plus tard, mon verdict tombe tel un couperet : Fitz a gagné. Fitz, à qui j’aurais bien donné des claques quand j’ai lu le passage où il demande au Fou de mettre les choses au clair, passage que j’attendais depuis longtemps mais qu’il a abordé avec ses gros souliers, en piétinant la sensibilité du Fou. Ce passage m’a chamboulée. J’en voulais à Fitz et je frissonnais de la colère du Fou. Qu’attendait donc Fitz pour le serrer dans ses bras pour le consoler ?

Pour être tout à fait honnête, je ne me suis toujours pas remise de cette scène.

Et voilà, je m’égare. Pour la première fois, j’ai pleuré en lisant un livre. Oh, bien sûr, j’ai déjà failli pleurer un certain nombre de fois. Mais jamais, je crois, ça ne m’est vraiment arrivé avant aujourd’hui. En lisant un passage où le héros semblait sur le point de mourir, bien que sachant que ça ne serait pas le cas, je n’ai pu retenir quelques larmes. Et c’est là qu’on voit le talent de l’auteur qui parvient à me sensibiliser au sort de personnages qui n’existent pas. Je suis véritablement fascinée par ces personnages : j’aimerais en créer d’aussi mystérieux, passionnants, humains, réalistes. Peut-être un jour, des lecteurs pleureront au sort d’un de mes personnages, se poseront des questions à leur sujet, tâcheront de définir leur identité véritable. Serais-je en mesure de retranscrire avec autant de justesse les sentiments humains, sans tomber dans l’excès ?

Visiblement, la réponse est non. Ah, les doux rêves de l’adolescence !

Et quand je quitte un de ces livres, je ressens un moment de manque, comme si tout était fade et insipide en dehors, comme si rien d’autre n’avait d’importance. Hagarde, je reste assise sur mon lit, droite et le regard vide. Jamais je n’aurais cru en apprenant à lire ressentir de telles choses en lisant.
S’il y a donc un livre qui m’a marqué cet été, c’est bien l’AR. Je l’ai débuté au commencement d’un mois lumineux marqué par une terrible échéance, [le bac de français, calmons-nous !] le mois de juin. À 3 tomes seulement de la fin, de l’ultime dénouement, me préparant à des scènes éprouvantes, en ce début de mois de septembre, je m’interroge. Nous savons l’effet qu’aura sur nous la lecture d’un livre excellent, nous savons pertinemment bien quelle sensation de vide, de manque, de tristesse nous habitera quand nous aurons tourné la dernière page et pourtant nous le lisons tout de même, car le jeu en vaut décidément la chandelle. On appelle ça le pouvoir des mots. Grâce à eux, je voyage, je m’évade de la vie où je suis Emily pour côtoyer des personnages aussi étonnants que Fitz et le Fou. L’univers qui apparaît sous la plume de Robin Hobb me devient familier, comme si j’y avais grandi, comme si c’était chez moi. Les problèmes de Fitz me tourmentent, j’ai la nostalgie de la vie plus insouciante de ses quinze ans.

Pauvre Fitz.

J’ai terminé L’Assassin royal : il m’aura fallu environ 4 mois de lecture hachée pour venir à bout de cette longue série. Et dire qu’à un moment, cela ne m’aurait guère dérangée d’en arrêter la lecture. Je ne pouvais me résoudre à terminer le dernier tome, et c’est sans m’en rendre compte et en me désolant que je parvins à la dernière page. J’avais fait traîner cette lecture en longueur autant que je pus au lieu de me jeter voracement dessus comme ce fut le cas de certains tomes. Avec un petit sourire, je songe que j’aurais pu terminer les 13 tomes en quinze jours si j’avais eu tous les volumes pendant les vacances. En effet, quand je fus malade en septembre, je me rendis compte que je pouvais aisément lire un tome par jour, tout en me ménageant quelques heures par jour à faire autre chose. Aurait-ce eu le même impact sur moi si ce n’avait été que l’affaire de deux semaines ?
J’ai l’impression que c’était hier que je me plongeais dans le premier tome, mais que nenni, c’était en juin, si longtemps déjà. Et le vertige habituel se saisit de moi : le temps passe à une vitesse phénoménale.

On remarquera que j’aimais beaucoup le passé simple, et que j’avais déjà cette obsession du temps qui passe.

Voilà, j’espère que j’aurais réussi à partager avec vous mon engouement pour cette série de livres qui m’a tant marquée il y a dix ans. Je n’ai toujours pas osé lire la troisième trilogie. Un jour, bientôt, c’est promis !

 

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

5 Commentaires

  1. Que ce billet est émouvant. Je t’ai presque visualisée à 16 ans Emily 🙂 Quelle plume tu avais déjà, je suis très impressionnée (j’ai des élèves de cet âge) puis surtout cette passion pour la lecture qui est déjà là, et qui n’a finalement pas pris une ride (même si tu utilises maintenant moins le passé simple héhé).
    Cette saga est aussi la préférée de Monsieur Cajou loin loin loin devant toutes ses autres lectures (d’ailleurs, il est au taquet sur la nouvelle série de RH -Le fou et ?, quelque chose comme ça ?- et quand un tome sort, il le lit doucement, tout doucement, pour en profiter !)
    Bref, merci d’avoir exhumé ce petit trésor…. d’archéologie, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire, accompagné de tes commentaires d’aujourd’hui <3

    • Merci Cajou ! J’écrivais beaucoup à l’époque, et mon blog était un incroyable bazar où je racontais ma vie d’adolescente, mes engouements pour la lecture, mes rêves. Une sorte de journal intime. À 19 ans, j’ai supprimé la version en ligne, mais en copiant tout le texte dans un document Word. Je le redécouvre aujourd’hui avec une certaine émotion.

  2. Ha mais je regrette de n’avoir pas eu connaissance de ton blog à l’époque ! Si ça se trouve cela m’aurait permis de ne pas passer à coté de cette série (oui oui, shame on me, je sais !) !

  3. Ahh ma saga préférée ! Tellement formatrice au cours des mes années lycées 🙂 je l’ai relu avec émotion il y a 5 ans et j’ai retrouvé le fou et l’assassin avec beaucoup d’enthousiasme à l’occasion de la sortie de la suite 🙂

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