Nous, les déviants : une véritable claque narrative !

Nous, les déviants, C. J. Skuse, La belle colère

YOUNG ADULT — Ella, Max, Fallon, Zane et Corey. À eux tous, ils formaient le club des cinq, les cinq Intrépides. Ils sillonnaient les routes à vélo, jouaient sur la plage, et écoutaient les histoires effrayantes que leur racontait Jessica, la soeur aînée de l’un d’entre eux, la grande soeur qu’ils admiraient tous. Puis, tout a basculé : Jessica est morte. Accident, suicide ? Plusieurs années après, le mystère demeure et la bande s’est dissoute.

Ella, la narratrice, continue à fréquenter Max : leur amitié s’est muée en romance, mais Ella pose des barrières entre eux, et Max ne comprend pas pourquoi. Fallon, elle, vit en autarcie avec sa mère, et se fait harceler par ses jeunes voisins. Corey est lui aussi harcelé, par un autre membre de leur groupe d’autrefois, Zane. Où est passée la belle amitié d’antan ? Mais voilà que la bande se reforme et se soude autour d’une idée commune : la vengeance. Ça commence petit, mais qui sait où cela s’arrêtera ?

Nous, les déviants, C. J. Skuze, La belle colère

Justement : le tout premier chapitre donne le ton. Sur la plage, on retrouve un corps, échoué. Le corps de qui ? Pourquoi ? Vous pensez le savoir, vous croyez le deviner, mais C. J. Skuse joue avec les attentes du lecteur pour mieux le surprendre. Elle jette les bases d’une enfance commune, heureuse pour les cinq protagonistes adolescents, jusqu’au drame qui sonne la fin de l’innocence : la mort de Jessica, cette aînée bienveillante qui, avant de mourir, leur a tous fait un cadeau, que ce soit un objet ou un simple conseil… À ce moment-là, les questions s’accumulent, et l’auteur distille les indices au fil des pages. C’est quand on pense avoir saisi le tableau d’ensemble qu’on est surpris de plus belle : Nous, les déviants est un thriller d’excellente facture, et d’autant plus percutant qu’il s’agit également d’un roman d’apprentissage rude, sans concession.

Devenir adulte, pour nos cinq intrépides, n’a rien d’aisé : cela veut dire s’accepter, aller de l’avant, ouvrir les yeux sur son entourage. Faire son deuil, également. Celui de Jessica, bien sûr, mais aussi celui de l’enfance. Rien ne leur est épargné : le harcèlement, le décrochage scolaire, le divorce des parents, la maladie d’un proche… sans compter ce secret qui gangrène leur groupe et empêche la narratrice de surmonter les épreuves du passé. Sous le patronage bienveillant de Jessica, cette absente pourtant omniprésente, nos jeunes héros doivent se défaire du passé et se tourner vers l’avenir…  Mais vont-ils y arriver ? Ces cinq jeunes sont tous extrêmement touchants, l’auteur parvient à leur attribuer à chacun une part d’ombre et de lumière, dressant ainsi le portrait réaliste d’une jeunesse désemparée. Leur psychologie est fouillée : jalousie, culpabilité, honte, regrets transparaissent ainsi dans les actions de nos jeunes protagonistes.

Voilà donc un roman passionnant, qui oscille en permanence entre roman pour adolescents et thriller psychologique, entre amitié et secrets, entre insouciance et drame, entre récit léger et tragédie. Fort d’une construction originale et efficace, sous forme de dialogue, et d’un suspense indéniable, d’une puissance qui va crescendo, Nous, les déviants se dévore en quelques séances de lecture assoiffée, parce qu’on crève d’envie de connaître le fin mot de l’histoire.

Nous, les déviants, C. J. Skuse. La belle colère, mai 2017. Traduit de l’anglais par Marie de Prémonville.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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