RENTRÉE LITTÉRAIRE 2017 — Voilà un très joli texte, d’inspiration autobiographique, que nous permettent de découvrir les éditions Stock à l’occasion de la rentrée littéraire 2017. Dans ce premier roman, Éric Romand nous conte son enfance, sa jeunesse : c’est la famille qui est au centre du récit.
C’est une famille comme il y en a des milliers dans nos provinces : le père, la mère, les deux enfants, et la galaxie d’oncles, tantes, grands-parents, cousins qui gravitent autour de ce noyau familial. Le narrateur a grandi dans un milieu plutôt populaire : il se souvient de l’appartement parental, de l’épicerie des grands-parents où on apprécie le travail bien fait. Nous sommes dans les années 60 quand le narrateur voit le jour. Ce qu’il nous montre ensuite, c’est une enfance et une adolescence à l’époque des yéyés, des seventies, puis des années 80, quand Sheila triomphait à la TV, quand on regardait Guy Lux et qu’on écoutait Sylvie Vartan et Gilbert Bécaud. C’est par petites touches que l’auteur crée cet ancrage générationnel, en nous dépeignant aussi bien le mobilier (ah, l’inénarrable meuble TV en acajou, ou le napperon sur lequel repose le téléphone à cadran !) que les modes vestimentaires (difficile de penser aux années 70 sans avoir en tête le célèbre pull à col roulé en nylon) ou automobiles.
L’enfance du narrateur est plutôt solitaire, marquée par les disputes entre ces parents et les remarques acerbes du père qui le trouve efféminé, par ses insultes. Les parents devinent l’homosexualité de leur fils et réagissent chacun à leur manière, le père par ses moqueries, la mère par son silence. Le narrateur se jette alors corps et âme dans la musique, passant des heures à écouter son mange-disque et à admirer Sheila, son idole incontestée, qui lui a permis de se construire presque autant que ses deux parents. La relation de ses parents, et avec ses parents, est par ailleurs au centre du récit, comme en témoigne le titre. Le narrateur émaille parfois son histoire, chronologique par ailleurs, de commentaires actuels de sa mère. Qu’est devenu le chiot de son père ? C’est une fois que le narrateur sera devenu adulte que sa mère le lui dira au détour d’une conversation. Le père, lui, est cette figure moqueuse et tapageuse, parfois aimant et étrangement attentionné, quand il est souvent désagréable, ivre et violent. Malgré ses accès de colère et ses humiliations, on n’arrive pas totalement à le détester, exactement comme le narrateur. Mon père, ma mère et Sheila : voilà un titre bien parlant, qui témoigne des figures les plus importantes de l’enfance de notre narrateur.
C’est un premier roman très sensible, et très pudique : nous vous l’avons dit plus haut, c’est un très joli texte, qui touche le lecteur en plein coeur. Éric Romand arrive en quelques phrases à retranscrire une ambiance, à croquer ses personnages : le style pourrait paraître décousu, mais il n’en est rien. Au contraire, Éric Romand fait preuve d’une grande maîtrise dans son écriture. On est tout bonnement sous le charme.
Mon père, ma mère et Sheila, Éric Romand. Stock, 23 août 2017.
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