ROMAN ADO — Une justice expéditive, la dérive ultime de la téléréalité : voilà le point de départ de la dystopie intelligente et bien brossée de Kerry Drewery : Cell. 7 nous plonge dans une Angleterre futuriste qui, sous couvert de mettre en place un système judiciaire plus performant, élimine ses meurtriers en sept jours top chrono. Et qui décide s’ils sont bien coupables ? Le public !
Faire de la mort un divertissement. L’idée n’est pas nouvelle, ni dans l’Histoire (les Gladiateurs) ni en littérature (au hasard, Hunger Games), mais Cell. 7 s’en sort avec les honneurs. Dans le futur imaginé par l’auteur, le système judiciaire traditionnelle a été abrogé au profit d’un couloir de la mort de sept cellules : le condamné progresse jour après jour vers l’ultime salle, où, si le public le juge coupable, il sera mis à mort. Pour décider, il suffit de faire comme autrefois pour les gagnants de la Star ac’ ou de Secret Story : envoyez « vie » ou « mort » par sms. C’est cynique et sinistre à souhait.
Outre le fait que, bien sûr, les preuves en deviennent accessoires, le problème numéro un soulevé par le roman est le suivant : si vous avez les moyens de voter en masse, vous avez plus de chance de vous en sortir… ou d’enfoncer quelqu’un. Car dans ce monde futuriste, le fossé entre les riches (ceux de la Ville, des Avenues) et les pauvres (ceux des Tours) est très marqué. Comment espérer une justice égalitaire quand on vient des Tours, et que nos proches n’ont pas les moyens de voter, quand les classes les plus aisées peuvent bombarder le standard, par conviction ou par simple ennui ?
C’est ce que dénonce Martha, l’héroïne. À seize ans, la jeune fille est la première adolescente à se retrouver dans le couloir de la mort. Elle s’accuse de la mort de Jackson Paige, ancienne vedette de télé-réalité, millionnaire, connu pour sa générosité avec les habitants des Tours. Pourquoi a-t-elle commis ce meurtre ? L’a-t-elle d’ailleurs vraiment commis ? Aux spectateurs de décider. Mais pour eux, les jeux sont quasiment faits… Martha va mourir dans sept jours, sous l’oeil de 21 millions de spectateurs.
Deux jeunes idéalistes, un système corrompu, une idée de base audacieuse et bien menée : Cell. 7 a tout pour convaincre. Découpé de manière dynamique, alternant les points de vue, le récit se dévore en quelques heures de lecture : l’auteur donne voix à Martha, mais aussi à son allié Isaac ou à Eve, sa conseillère juridique. À intervalles réguliers, on nous livre des passages de l’émission « Mort Égale Justice », qui font froid dans le dos : le goût du sang et du spectacle s’entremêlent, au fond, peu importe la culpabilité de Martha… Ce que veulent les gens ? Du divertissement, et du frisson ! Et le pouvoir de vie ou de mort sur des inconnus qu’ils adorent détester.
Voilà donc une dystopie intéressante, qui fait froid dans le dos car elle sonne juste : elle révèle les pires instincts de l’humanité…
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