TEXAS — « C’est comme jouer au pendu, mais à l’envers. Si tu résous l’énigme, tu as le droit au gars accroché à la potence.«
Avec cette citation, le ton de ce thriller original est donné : notre héros doit résoudre des enquêtes, grâce à son formidable don pour l’observation, que n’aurait pas renié Sherlock Holmes. En échange, on le laisse assouvir son vice. Lequel ? Allez, réfléchissez deux secondes, le titre vous donne un indice : Mange tes morts. Bingo. Notre héros, Timothy Blake, est tout simplement cannibale. Comme Dexter, le héros de la série éponyme écrite par Jeff Lindsay et adaptée pour la TV, Timothy évolue aux marges de la loi, s’en servant pour assouvir ses pulsions. En l’occurence, il a un petit arrangement sous-marin avec le directeur de l’agence locale du FBI : il aide sur quelques enquêtes, et en échange, on lui livre sur un plateau le corps de condamnés à mort fraîchement exécutés.Tout le monde y gagne, sauf le type qui est a été tué, mais qui va aller plaindre les violeurs et meurtriers qui poireautent dans le couloir de la mort de la prison de Houston ?
Bref. En dehors de ces repas à l’oeil, la vie de Tim, c’est un peu la merde, soyons honnête. Pas de boulot fixe, un compte en banque perpétuellement à découvert, et un colocataire trafiquant de drogue. Sans compte l’absence d’amis, de famille, ou de relations amoureuses (la tentation de manger un bout en plein rapport sexuel est décourageante. Edward Cullen avait le même problème).
Bon, cette fois-ci, Tim va tomber sur un os. On lui demande d’enquêter sur la disparition de Cameron Hall, un adolescent aisé. Et rien ne va se passer comme prévu…
En voilà un héros pour le moins… politiquement incorrect ! Il vole, il ment, il fraude… et il mange de la viande humaine. Sur l’échelle de la sociopathie, m’est avis que Timothy Blake serait plutôt bien placé. Mais comme Dexter, il a réussi à trouver un cadre pour ses goûts pour le moins particuliers. Paradoxalement, c’est en étant au plus proche de la loi qu’on arrive à mener les activités les plus douteuses… En dehors de ses penchants cannibales, Timothy a aussi l’habitude de chourrer des voitures et de revendre des numéros de carte bleue mémorisés au fil de ses déplacements. Un homme tout à fait charmant. Qui fait pourtant un enquêteur hors-pair, étreint parfois par de brusques pulsions morales.
Bien sûr, il ne fait jamais rien comme les autres (même pas boire son café). Il ne pense pas dans les cases, dit des choses qui devraient restées tues, fait des choses dangereuses et extrêmes. Le témoin ne veut pas parler ? C’est pas grave, Tim a une idée : s’introduire chez lui de nuit, lui fourguer de la drogue du violeur et lui soutirer les informations quand il est bien docile. Voilà, ce genre de trucs.
Le résultat ? On s’éclate, tout simplement. On ne sait jamais où on va se faire embarquer, le héros est suffisamment barré pour retenir toute notre attention et bonus, l’écriture est bougrement efficace. On se laisse prendre au jeu dès les premières pages, qui mettent Timothy est situation : en deux temps, trois mouvements, l’enquête est résolue. De manière peu conventionnelle, comme d’habitude. L’affaire qui suit, en revanche, sort des sentiers battus pour notre héros. Le lecteur, lui, est joyeusement baladé, et l’auteur prend un malin plaisir à semer des indices qui ne mènent qu’à des impasses. Et moi, j’aime bien être surprise quand je lis une enquête.
Voilà donc un thriller original à se mettre sous la dent, pourvu que vous ne soyez pas végétarien ou un peu trop sensible : rappelons tout de même que notre héros carbure à la viande humaine, et garde des morceaux de corps dans son congélo. Et il y a aussi quelques scènes à la Breaking Bad (sauf que la baignoire, ici, ne cède pas). Vous voilà prévenus !
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