LITTÉRATURE CONTEMPORAINE — Avec Indéterminés, Samantha Bailly clôt une trilogie qui explore le rude univers de l’entreprise et du travail, initiée avec Les Stagiaires et À durée déterminée.
Le stage et le CDD sont désormais de lointains souvenirs et, parmi la petite bande des débuts, seules Alix et Ophélie ont eu la chance d’être engagées en CDI chez Pyxis. Une chance, vraiment ? Rien n’est moins sûr. Propulsée directrice du département Communication, Ophélie a fort à faire, d’autant que ses journées de travail sont loin d’être de tout repos. Pyxis, petite entreprise familiale, vient en effet d’être rachetée par Game Vision, un bien plus gros poisson, ce qui met tout le monde sur la sellette et surtout, surtout… le détestable Arthur Mareuil revient dans l’entreprise !
Ce qui va nous donner deux points de vue très différents, d’une part parce qu’Ophélie et Arthur ont des personnalités diamétralement opposées, mais aussi parce que la première va plutôt se trouver spontanément du côté de l’amour de l’art, tandis qu’Arthur, lui, va voir Pyxis côté chiffres. Et dans une entreprise en restructuration, cela change tout !
Cinq ans ont passé depuis le premier tome, mais on retrouve les personnages comme si on les avait quittés hier, quoique leurs préoccupations professionnelles aient quelque peu changé. Ophélie est plus que jamais sous pression, tant au travail que dans sa vie de couple – qu’elle partage depuis quelques années avec James, rencontré chez Pyxis. En effet, la routine s’est installée et elle a du mal à déconnecter du travail, qui envahit chaque instant, chaque pensée, sans lui laisser aucun répit. Alix, de son côté, bataille ferme pour ne pas trahir ses convictions, tout en contentant son – tyrannique – boss. Arthur, lui, intègre l’entreprise dans un moment assez délicat… On n’en dira pas plus du côté de ce que traversent Ophélie, Alix et Arthur, de peur de gâcher une grande partie de l’intrigue !
Encore une fois, c’est donc un portrait très actuel du monde de l’entreprise que dessine Samantha Bailly, car on retrouve dans le roman des sujets qui sont dans tous les esprits. Le droit à la déconnexion, la précarité, la violence et les pressions dans le cadre du travail, le harcèlement moral et sexuel, les questionnements sur ce travail au départ passionnel devenu peu à peu purement alimentaire, tout y est. Car, malheureusement, ce sont aussi les préoccupations de toute une génération sacrifiée sur l’autel de la crise, ce qui fait que l’on comprend d’autant mieux ce que traversent les personnages. Évidemment, on ne peut pas dire que le roman se classe parmi les feel-good books, car le monde du travail dans ces entreprises faussement décontractées mais réellement inhumaines est plutôt déprimant. Pourtant, ce n’est pas le sentiment qui subsiste à la lecture du roman car, malgré tout, tout n’est pas si sombre. En dépit des violences (physiques ou morales) que subissent les personnages, il y a une vraie graine d’espoir qui subsiste et cette petite lueur suffit à redonner le sourire.
En effet, depuis le premier volume, les personnages ont bien évolué. Certains sont simplement devenus ce vers quoi ils tendaient alors que d’autres ont abandonné leur personnalité première comme une vieille mue pour se tourner vers tout autre chose et ces revirements s’avèrent absolument passionnants. D’ailleurs, question personnages, on croise Lou et Sonia (les protagonistes de Nos âmes jumelles), dont le manga est édité par Pyxis, et suivi aussi bien par Alix que par Ophélie. Le clin d’œil est agréable (et il n’est pas nécessaire d’avoir lu l’autre série pour tout comprendre) et permet en outre d’aborder d’autres sujets ; comme dans Les Stagiaires, c’est l’occasion de dresser un véritable portrait du côté obscur de l’édition, en mettant au jour les pratiques abusives qui gangrènent le secteur – au premier chef duquel l’exploitation des auteurs-illustrateurs par des éditeurs sans scrupules. Un fait tristement vrai.
Indéterminés est donc, indéniablement, le tome de la maturité, qui boucle à la fois Les Stagiaires et Nos âmes jumelles – puisqu’on en croise les personnages après la fin de celle-ci. Les protagonistes ont évolué, tendent désormais vers de nouveaux objectifs (professionnels ou personnels) et suivent parfois des trajectoires inattendues, mais que l’on découvre avec plaisir. Les chapitres offrent successivement les points de vue d’Ophélie et d’Arthur et ce changement régulier de perspective augmente l’effet d’attente car, dès que l’on quitte un personnage, on attend d’y revenir pour découvrir la suite de ses aventures. Et bien que le portrait de l’entreprise soit un brin déprimant – car extrêmement réaliste – on apprécie cette plongé d’une grande justesse dans le quotidien de la génération Y !
Le clin d’oeil à Nos âmes jumelles me donne encore plus envie de lire cette saga !
Oui, c’est vraiment chouette de retrouver Lou et Sonia dans cette histoire !
Coucou 🙂
Un livre coup de poing sur la réalité du monde du travail aujourd’hui.
Un troisième tome qui boucle la trilogie de façon quasi parfaite.
Une évolution spectaculaire et très bien faite de l’histoire et des personnages ! J’ai été ravie de cette évolution alors que l’histoire et les personnages étaient très bien dès le début !
Cette fin m’a fait rire et pleurer ! Ce livre m’a chamboulée et touché au plus profond et ça fait très longtemps que ça ne m’avais pas fait ça !
Bravo à l’autrice 🙂
Merci pour cet avis et bonne journée 🙂
De rien ! J’ai moi-même beaucoup aimé cette saga, je trouve qu’elle a parfaitement retranscrit le monde du travail. Et comme toi, la fin m’a fait un drôle d’effet !