ROMAN — Voilà un roman, disons le tout net, jubilatoire, audacieux et original. Oui, oui, tout ça, tout ça, et plus encore. Avec La destinée, la mort et moi, comment j’ai conjuré le sort, S. G. Browne, l’auteur de titres déjà plutôt déjantés (qu’on vous conseille ici et là), se surpasse tout simplement. Après les zombies et les super-héros, l’auteur américain s’intéresse cette fois-ci au sort, à la destinée, à la mort, aux péchés capitaux… qui sont tous des personnages du roman ! Absolument : vous avez bien lu !
Oui, dans ce récit, le sort est un homme, Sergio. C’est le héros du roman. Cela fait des millénaires qu’il oeuvre sous les ordres de Jerry, alias Dieu, en rivalité avec Destinée, une bombasse insupportable, avec qui il se partage le devenir de l’humanité. Sergio s’ennuie un peu, pour tout vous dire. Il en a marre de devoir surveiller un cheptel d’humains pas très doués, qui ont tendance à s’auto-saborder. Mais voilà qu’après des années et des années à arpenter la Terre… il tombe amoureux. Eh oui, tout arrive. Mais il s’éprend d’une mortelle. Et ça, c’est interdit par les lois cosmiques. Sergio va au-devant de gros ennuis.
Mettre en scène les péchés capitaux, le Karma, le sort, la mort, les grandes vertus cardinales et imaginer quel genre de personnes toutes ces grandes idées seraient, c’est déjà sacrément chouette comme pitch de départ. Imaginez qu’en prime, tous ces personnages oeuvrent sous la houlette d’un patron qui a tout du PDG extravagant, du genre qui envoie des chaînes de mails à foison, se pique d’idées un peu farfelues… et réduit en cendre des cités entières quand elles lui déplaisent (Cf. Sodome et Gomorrhe)… Normal, quoi. Ici, Dieu s’appelle Jerry, et dans les fêtes de la boîte, vous pouvez croiser son fils, Josh, profession : messie. C’est joliment irrévérencieux. S. G. Browne s’approprie aussi bien les personnages emblématiques de la Bible que les mythologies boudhistes ou gréco-romaines, et en fait un joyeux melting-pot. Dans ce roman, Sergio, alias le sort, boit des coups avec le Karma, se fait transporter par Hermès, et se prend la tête avec Mortimer, alias la grande Faucheuse. Il fallait y songer !
Comme toujours avec les romans de S. G. Browne, le récit est émaillé de nombreuses références à l’histoire, à l’art et la pop culture. C’est assez jouissif, car le lecteur se sent chez lui dès les toutes premières pages. Mention spéciale pour la fin, qui est d’une cohérence assez impressionnante : elle est osée, mais très bien tournée. On quitte le roman avec la sensation d’avoir lu un roman très complet, très maîtrisé. Ajoutons à cette trame narrative bien pensée un style toujours aussi efficace et dynamique, avec beaucoup d’humour. La patte de S. G. Browne, en somme, qu’on a appris à apprécier au fil de ses divers romans. Vivement le prochain !
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