FANTASY HISTORIQUE JEUNESSE — Souvenez-vous, Louis Pasteur contre les loups-garous avait été un véritable coup de coeur et nous attendions la suite avec impatience. Et Flore Vesco — auteure, mais également chasseuse de primes, éleveuse d’autruches et professeur de français en collège — a su combler nos attentes de lecteurs avides de nouvelles aventures de la S.S.S.S.S.S. (la Société Super Secrète des Savants et Sciences Surnaturelles). Place aujourd’hui, à Gustave Eiffel !
1855. Tout juste diplômé de l’École Centrale des Arts et Manufactures, Gustave Eiffel cherche du travail. Pour l’instant sans emploi et sans le sou, il écume inlassablement les petites annonces à la recherche du poste idéal lorsque l’une d’elles retient son attention.
Société très fermée recherche esprits logiques et cœurs aventureux
48°51’ 50 N
2°19’ 52 E
9 m
08.08.1955
13.45
Féru de logique, d’énigmes et de mathématiques, le voici donc, presque malgré lui, candidat pour intégrer la prestigieuse (et très peu connue) S.S.S.S.S.S., en charge de la protection du pays contre les créatures fantastiques. Après une série d’entretiens tous plus insolites les uns que les autres, le voilà recruté, formé et très vite promu Agent Φ afin d’effectuer sa première mission.
Gustave va en effet devoir enquêter sur la présence — ou non — d’un phénix dans un atelier de sidérurgie situé non loin de Paris. Pour ce faire, il va se faire embaucher en tant que contremaître dans la manufacture Aldinni et se renseigner de l’intérieur … Malgré des débuts un peu difficile entre un patron grincheux et des ouvriers bourrus, Gustave finit peu à peu par trouver sa place au milieu des machines. Et c’est là que le mystère s’épaissit !
Dès les premiers chapitres, notre coeur de fan soupire de béatitude : nous faisons la connaissance de Gustave Eiffel, jeune personnage très attachant, et surtout — surtout ! —, nous retrouvons Louis Pasteur et l’imbattable Constance. Le clin d’oeil au premier tome des aventures de la S.S.S.S.S.S. est donc le bienvenu : les fans de toujours apprécieront, et les nouveaux lecteurs y trouveront là une invitation à aller dévorer le tome consacré à Louis Pasteur – dont les faits se déroulent quelques 15 ans plus tôt. Pas d’inquiétude cependant, les opus de cette saga sont indépendants et peuvent se lire dans l’ordre de votre choix. Pour cette fois-ci, on découvre donc Gustave, qui est un jeune homme brillant et curieux mais qui manque terriblement de confiance en lui. Après des débuts un peu laborieux et très scolaires, le jeune ingénieur évolue et prend de l’assurance. Sa naïveté et sa candeur soulignent également des problématiques toutes modernes avec subtilité : Gustave s’offusque entre autres des différences de salaires homme/femme dans la manufacture, un problème d’actualité s’il en est. Que ce soit dans les propos ou dans les décors (de l’époque), un vent de modernité souffle donc sur ce roman que l’on peut qualifier de résolument steampunk : engrenages, cuivre, machines à vapeur côtoient donc le féminisme et le syndicalisme avant l’heure.
Jeux de mots, énigmes, figures de style, références en tous genres : toutes les armes de notre belle langue française y passent et c’est un régal. D’autant que Gustave est un grand adepte des calembours, tous plus calamiteux les uns que les autres ; autant d’efforts et un humour aussi catastrophique forcent le respect et poussent même à ricaner sans vergogne !
Flore Vesco manie la plume comme pas deux pour enchanter les lecteurs de tous les âges. Elle nous offre un champ lexical fourni et choisi avec précision, en phase avec l’époque et le domaine d’activité, tout en restant accessible. Technique mais pas trop, donc. Cette écriture se savoure, certains passages se (re)lisent à voix haute et il y a plusieurs niveaux de lecture, ainsi petits et grands trouveront leur compte dans le roman. Le fond n’est pas en reste puisque l’histoire se goupille à merveille : les anecdotes romancées de nos personnages historiques s’insèrent plutôt très bien avec ce que l’on sait véritablement de nos protagonistes. Pour être totalement honnêtes, il faut avouer que le roman présente quelques inégalités de rythme ; alors que le début est très calme et posé, l’action s’emballe totalement sur la fin et laisse à peine le temps de souffler ! Mais c’est aussi ce qui embarque littéralement le lecteur sur les traces de Gustave. Un mal pour un bien ?
Vous l’aurez compris, ce livre est un coup de cœur, à mettre entre toutes les mains ! Des rumeurs circulent déjà sur un tome 3 des aventures de la S.S.S.S.S.S avec en guest, une certaine Marie Curie. Espérons que ce ouï-dire soit fondé !
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