BIOGRAPHIE ROMANCÉE — On connaît le talent de Paula McLain pour les biographies romancées : il y quelques années, on vous parlait de son excellent travail sur l’existence de Beryl Markham, éleveuse de chevaux et aviatrice renommée.
Cette fois encore, Paula McLain s’attaque à une figure forte : Martha Gellhorn, immense correspondante de guerre (mais pas que !) s’il en est.
Et puisque c’est souvent la porte d’entrée d’un livre, commençons par son titre, La troisième Hemingway, qui ne peut qu’interroger. Tout sa vie, Martha Gellhorn s’est battue pour exister par elle-même, pour n’être pas réduite à “la femme de” (leur histoire n’a même pas duré 10 ans !), refusant selon ses termes, d’être « une note de bas de page dans la vie de quelqu’un d’autre ». Il est donc bien dommage que ce soit précisément ce à quoi la réduit le titre de sa biographie romancée dans sa traduction française (l’originale étant titrée Love and Ruin).
Quoi qu’il en soit, Paula McLain a justement choisi de raconter le combat de Martha Gellhorn pour exister par et pour elle-même, vu via le prisme de sa relation avec l’auteur Ernest Hemingway. Lorsque s’ouvre le volume, on découvre une jeune Martha peinant à se faire publier (aussi bien comme journaliste que comme romancière ou nouvelliste). Elle est jeune, elle est une femme et la concurrence est rude. Sur les conseils d’Hemingway, elle va obtenir une accréditation pour se rendre en Espagne. Nous sommes en 1936, le pays est en pleine guerre civile et c’est le premier conflit qu’elle couvrira en tant que journaliste.
Là où l’autrice fait fort, c’est qu’elle parvient à nous raconter à la fois le parcours professionnel de Martha Gellhorn et sa vie sentimentale. Paula McLain a un véritable talent pour entrer dans l’intimité d’un personnage. Au fil de la lecture, on a presque l’impression d’être dans le bureau de Martha lorsqu’elle écrit, de croupir dans une chambre d’hôtel tremblant sous les bombes ou s’ennuyant du monde dans un ranch américain. Si l’histoire avec Hemingway prend autant de place dans le récit, c’est aussi pour montrer l’esprit hautement combatif de Martha qui semble avoir toujours veillé (à raison) sur son indépendance, notamment littéraire. En regard, le monstre sacré de la littérature américaine, n’apparaît donc pas sous ses meilleurs jours. Il faut dire qu’il n’a pas vraiment gâté sa troisième épouse, jaloux qu’il était de ses succès littéraires et journalistiques et, semble-t-il, de son indépendance d’esprit. Et des succès, littéraires comme journalistiques, il y en a eu pléthore. Malheureusement,le récit ne couvrant que la période de leur histoire, on ne suit pas la journaliste sur l’ensemble de ses reportages. Paula McLain nous amène pourtant sur ses traces en Espagne, en Finlande durant la guerre d’hiver, en Chine et, bien sûr, en Europe pendant la deuxième guerre mondiale – y compris sur les lieux du Débarquement, Martha Gellhorn ayant été la seule femme à y participer. Au fil du texte, c’est aussi tout le délitement mondial qui s’affiche, ce qui s’avère passionnant.
Paula McLain a choisi un angle d’approche original pour initier le grand public à la biographie de Martha Gellhorn, en s’intéressant à la courte période de sa vie où elle a fréquenté Hemingway. Sa relation avec l’auteur met d’autant plus en valeur ses combats pour exister en tant que femme et en tant qu’autrice, de fiction comme de presse. Au vu de son parcours, le récit mêle des accents de romance, d’espionnage et de roman d’aventures, ce qui s’avère palpitant. Et a le mérite de donner envie d’en savoir beaucoup plus en ouvrant, pourquoi pas, un des titres qu’elle a publiés !
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