BANDE-DESSINÉE — Vous connaissez peut-être, sans le savoir, Joe Henderson : il est en effet le scénariste et le showrunner de Lucifer. Avec Lee Garbett, illustrateur de comics (notamment certains titres de Batman), il nous propose aujourd’hui le récit d’une jeune femme forte et déterminée, dans un monde sans dessus dessous.
Il y a vingt ans, la Terre a été mise sans dessus-dessous. Littéralement. La loi, universelle s’il en est, de la gravitation a soudainement cessé de s’appliquer. Des millions de personnes ont alors été emportées malgré elles vers l’espace, parmi des débris en tout genre encore plus nombreux. L’humanité a alors évolué pour s’adapter et pallier à ce manque. Willa, née quelques semaines avant le cataclysme, n’a donc connu que ça. Et même si se déplacer dans son environnement reste dangereux (un mouvement mal calculé et c’est un aller simple vers la Lune !), elle rêve d’explorer le monde, contre l’avis de son père. Ce dernier, ancien scientifique cloîtré dans son appartement depuis la catastrophe, aurait même une idée pour solutionner la situation. Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille …
À peine le temps de feuilleter les deux-trois premières planches pour se faire une idée que l’on est happé par l’histoire : c’est vif, dynamique et coloré, les pages tournent toutes seules ! Qui plus est, l’idée de base est utilisée avec intelligence. Si jamais la gravité cessait soudain, comment notre société se ré-organiserait-elle ? Joe Henderson nous propose des profils divers et variés pour appréhender cet environnement. Tout d’abord il y a Willa qui a désormais 20 ans : elle est coursière et se déplace dans le ciel pour livrer les colis, se déplaçant sans filet, uniquement avec un petit propulseur dans le dos pour les situations d’urgence. Willa n’a connu que cette situation d’apesanteur et elle adore ça. Mais celle-ci a coûté la vie de sa mère, disparue lors de la catastrophe et a brisé son père, cloîtré dans leur appartement depuis deux décennies. Parmi ses collègues, il y a également Edison, un garçon à peine plus âgé qu’elle dont les jambes sont amputées au niveau des genoux et qui sans cet état zéro G, serait cloué à un fauteuil roulant. Tous les personnages ne sont pas aussi enthousiastes que les deux jeunes gens : Nathan, le père de Willa, vit très très mal la chose alors qu’il a lui même travaillé sur le sujet. À tel point qu’il a développé une sorte de phobie liée à ce nouvel environnement, au contraire de son ancien associé Roger Barrow, qui est désormais un riche homme d’affaires. Et c’est à lui que Willa décide d’aller demander de l’aide concernant son père.
Au cours de ses pérégrinations, c’est donc l’occasion d’observer la réorganisation de la société. Les classes sociales supérieures vivent dans le déni et font tout pour se maintenir au niveau du sol, grâce à des chaussures magnétiques qui reproduisent artificiellement la gravité, jusqu’à un certain point seulement. Car à ce niveau-là, il faut aussi magnétiser les jupes pour éviter qu’elles ne s’envolent et les coupes de cheveux sont plutôt courtes afin de rester pratique. Sauf celle de Willa, qui arbore une magnifique chevelure longue, foncée et bouclée, et que le dessinateur Joe Henderson fait bouger au gré des cases, dans tous les sens, selon les mouvements de la jeune fille. Willa est d’ailleurs un personnage très réussi et attachant : ses expressions sont toujours bien retranscrites et elle arbore très souvent un sourire radieux mais jamais niais. Le reste de la galerie fonctionne également très bien : Edison a toujours l’air sur la réserve et Roger Barrow a des airs de carnassier, parfaitement représentatif.
Si après avoir découvert Dans la combi de Thomas Pesquet, vous en voulez encore (encore plus d’apesanteur ou encore moins de gravité) et que vous aimez les comics-books, Skyward saura sans aucun doute vous séduire. Un excellent scénario et des dessins réussis : une série que l’on va définitivement garder à l’œil !
Skyward, Ma Vie en apesanteur. Joe Henderson et Lee Garbett. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anaïs Koechlin. HiComics, octobre 2019.
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