ROMAN YOUNG-ADULT — Sparrow, Oregon, est une petite bourgade qui n’aurait rien de particulièrement notable si, tous les étés, n’avait pas lieu la Swan Season, sorte de festival morbide tournant autour d’une malédiction locale : la malédiction des Swan Sisters. Au début du XIXe siècle, trois jeunes femmes ont été accusées de sorcellerie et noyées dans le port après un procès expéditif. Depuis, les noyades de jeunes hommes se multiplient, chaque année, au mois de juin…
Pour rentrer dans ce roman résolument fantastique, une bonne dose de suspension de l’incrédulité est nécessaire : déjà, il faut passer sur le fait que les grands procès pour sorcellerie étaient déjà de l’histoire ancienne au moment où les soeurs Swan ont été mises à mort (on pense, bien sûr, aux procès de Salem, de l’autre côté du pays, et au XVIIe siècle). Ensuite, j’ai également tiqué sur le fait que, depuis deux cents ans, au moins trois jeunes hommes périssent noyés chaque mois de juin, et, non seulement personne ne fait rien, mais en plus on célèbre la chose avec un festival franchement glauque. Bon, passons.
The Wicked Deep est un roman d’ambiance, qui joue avec les brumes et les embruns de ces bourgades typiques du nord-ouest des USA (une autre Swan avait déjà été le prétexte à une description fouillée du charme pluvieux des villages de l’état de Washington, voisin de celui de l’Oregon). Une île isolée aux cottages surannés, un phare désuet, une petite ville en bord de mer… L’atmosphère est posée, et ce, plutôt bien : c’est le décor rêvé pour cette histoire de possession et de malédiction.
Car chaque année, pour trois semaines, les soeurs défuntes s’emparent du corps de jeunes filles de la ville et noient chacune un homme que, telles des succubes, elles attirent inexorablement. Autrefois punies pour leur liberté de moeurs et d’esprit, les trois soeurs Swan se sont transformées en démons vengeurs, véritable fléau pour la communauté qui les a condamnées. Idée intéressante, mais un peu manichéenne : des trois frangines, deux sont vraiment monolithiques, sans grande profondeur, définies uniquement par leur attrait des hommes et de la mort…
Vous l’aurez compris : le vrai point fort de ce roman, c’est son ambiance admirablement bien rendue. Malheureusement, cela ne suffit pas à éclipser le manque de charisme des Swan Sisters ou l’amourette un brin too much qui s’installe au fil du récit. Dommage.
The Wicked Deep, Shea Ernshaw. Rageot, 2019. Traduit de l’anglais par Lilas Nord.
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