Qui a peur de la mort ? : magie, maux et dépaysement

SCIENCE FANTASY — Alors certes, ce n’est pas une nouveauté, mais Qui a peur de la mort ? est une petite pépite qui s’affranchit bien de toutes ces considérations. World Fantasy Award, prix Imaginales et prix Lucioles, ce roman de science fantasy est, comme vous pouvez le voir, auréolé de nombreux prix. Et nul besoin de faire durer le suspens : c’est amplement mérité. Si ce n’est pas déjà fait, venez donc découvrir le chef d’œuvre de Nnedi Okorafor.

Dans une Afrique post-apocalyptique, la guerre continue de faire rage. Enfant du viol, rejetée par les siens du fait de sa peau et ses cheveux couleur de sable, Onyesonwu porte en elle autant de colère que d’espoir. Mais Onye est loin de se laisser écraser par cet héritage qu’elle n’a pas demandé à porter. Les phénomènes magiques commencent à se développer à son contact et dans ce contexte, seule sa mère ne semble pas étonnée qu’elle développe une magie unique et puissante. Et dont l’enseignement est interdit aux filles … Elle force alors le sorcier de son village à lui enseigner son art. Lors de l’un de ses voyages dans le monde des esprits, elle se rend compte qu’une terrible force cherche à lui nuire et qu’elle est pourchassée par un esprit diabolique. Pour en triompher, elle devra affronter son destin, sa nature, la tradition et comprendre enfin le nom que sa mère lui a donné : Qui a peur de la mort.

Que dire de ce roman, si ce n’est qu’il ne ressemble à aucun autre. C’est âpre, dur et violent mais ça ne l’est jamais gratuitement. L’auteure, d’origine américaine et nigérienne, nous happe et nous livre un récit bouleversant dans une Afrique intemporelle, que l’on rencontre encore trop peu dans les littératures de l’imaginaire. À travers son récit, Nnedi Okorafor aborde des thèmes encore tabous : le viol comme arme de guerre, l’excision des jeunes filles, le machisme latent, la lapidation, … A contrario, on y découvre également une Afrique chatoyante et colorée, chargée de traditions et de croyances ancestrales où les mascarades côtoient les divinités locales.

Au milieu de cet environnement, il y a Onye, une héroïne comme on en croise encore trop peu. L’adjectif pour la décrire au mieux ? Humaine, sans aucun doute. Onye est pétrie de forces, de qualités, d’espoirs mais aussi de défauts, ce qui la rend vraie et attachante. La jeune fille est impétueuse et colérique, mais elle affronte son côté sombre, ce qui demande du courage et de l’abnégation. Marginalisée de par sa couleur de peau, Onye n’est pourtant pas seule. Elle se lie presque malgré elle, dans la peur et la souffrance, avec Binta, Diti et Luyu. À partir de là, c’est à quatre que les jeunes filles vont grandir et évoluer au cours du récit, chacune à sa manière, chacune avec son histoire et sa propre motivation. Les autres personnages sont également soigneusement construits, que ce soit la mère d’Onye (qu’on aurait aimé un peu plus présente dans le roman), son père biologique ou bien encore son père adoptif. Les figures parentales sont donc chargées de signification. Cela entre parfaitement en résonance avec l’écriture de ce roman. L’auteure a en effet confié que le premier chapitre de cette histoire lui était venu suite à la maladie et à la mort de son père adoré et que cette écriture avait été salvatrice pour l’aider à faire son deuil. Et la force de cet amour transparaît bien dans le récit.

C’est donc un roman d’apprentissage sauvage et vibrant que nous livre Nnedi Okorafor, dont les deux moitiés sont peut-être un peu inégales. La première est rythmée et fascinante, tandis que la deuxième moitié suit un cheminement plus classique. Mais les critiques étant unanimes, HBO a eu du flair et a acheté les droits d’adaptation de ce roman. En attendant de découvrir cette future série, vous avez encore le temps de savourer l’original.

Qui a peur de la mort ?, Nnedi Okorafor. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurent Philibert-Caillat. ActuSF, octobre 2017.

Par Coralie

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