GASLAMP FANTASY — Célia Flaux est une autrice française de l’imaginaire. En ce début d’année, elle publie un nouveau roman au titre intrigant chez ActuSF : Anergique.
Angleterre, XIXe siècle. Lady Liliana Mayfair est une Garde royale, mais aussi une lyne, capable de manipuler la magie, à condition de boire l’énergie de son dena et compagnon, Clement. En effet, dans cet univers, l’humanité se divise en deux catégories : les denas, producteurs d’énergie et les lynes, qui dépendent de cette énergie.
Tous deux se rendent en Inde sur les traces d’une violeuse d’énergie qui laisse des cadavres dans son sillage. Leur unique piste : Amiya, un ami de Clement, et surtout la seule victime à avoir survécu à la tueuse. Du Surat à Londres, la longue traque commence. Mais nos enquêteurs ont-ils bien cerné les proies ?
L’intrigue d’Anergique se déroule à l’époque victorienne, et l’autrice nous plonge dans une ambiance pleine de cab, tournures, et codes sociaux divers et variés, société victorienne oblige. Pourtant, l’intrigue ne s’inscrit pas dans le steampunk, mais plutôt dans la gaslamp fantasy, un genre très proche (puisqu’il a inspiré le second), dans lequel les machines à vapeur sont moins présentes.
Autre originalité : le cadre choisi. Si l’histoire nous emmène bien de Surat à Londres, sa majeure partie se déroule en Inde, ce qui change agréablement des habitudes du genre. D’autant que l’autrice a une plume vivante et imagée, qui nous plonge en moins de deux dans des paysages exotiques pour le genre et dans lesquels on s’immerge rapidement.
Si le récit, mené tour à tour par les trois protagonistes, a une indéniable veine de polar (après tout, les personnages mènent une enquête), c’est surtout le portrait social qui est mis à l’honneur. En effet, la société décrite par Célia Flaux est régie par des carcans extrêmement rigides. Un mariage entre une aristocrate et un bourgeois, par exemple, y est absolument inenvisageable, comme dans la société victorienne que l’on connaît. A cela, Célia Flaux ajoute deux autres castes, les lynes et les denas, transversales au reste de la société. On peut être employé de maison et lyne, aristocrate et dena. Or, si les seconds produisent l’énergie dont ont vitalement besoin les premiers… ce sont bien ceux-ci qui dirigent toute la société, ajoutant une nouvelle couche de disparités, parfaitement utilisées dans l’intrigue. Si l’enquête est prenante, ce portrait est quant à lui absolument passionnant !
L’autre point très agréable est de lire une nouvelle variation autour du mythe du vampire (garantie sans paillettes) aussi originale et bien menée. La violeuse d’énergie n’est évidemment pas sans rappeler ces créatures gourmandes en flux vitaux. Tout comme elle rappelle fortement ses tristes coreligionnaires du monde réel. A ce titre, il est intéressant que la première victime présentée soit Amiya, soit un homme. Cela change un peu !
En bref, Anergique est un roman choral bien mené, qui revisite à la fois le mythe du vampire et les codes très rigides de la société victorienne, en proposant en sus une enquête rondement menée. Point bonus : il s’agit d’un one-shot !
Anergique, Célia Flaux. ActuSF (Naos), 22 janvier 2021.
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