YOUNG ADULT — Avez-vous déjà goûté un bon phở ? C’est un plat vietnamien que j’ai eu l’occasion de manger régulièrement à Paris, à base de vermicelles, de bouillon, de viande (j’aime le mien au poulet !). Succulent ! C’est, dans le roman de Loan Le, le plat de la discorde, celui qui cristallise toutes les tensions…
Dans une petite ville de Californie, deux restaurants vietnamiens se font face et se vouent une haine féroce. La compétition est terrible entre ces deux familles qui s’évitent comme la peste tout en s’espionnant avec aigreur. Leurs enfants, du même âge, vont au même lycée : pourtant, Linh et Bảo se connaissent à peine. Ils savent bien qu’ils n’ont pas le droit de se parler. Jusqu’au jour où, amenés à travailler ensemble pour leurs études, ils découvrent qu’ils peuvent être amis… voire plus.
Jolie romance sur fond gastronomique, Pour l’amour du phở dépeint deux jeunes personnages en pleine quête identitaire, qui rêvent de s’émanciper des attentes de leurs parents, parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants… aux détriments des rêves de leurs ados. Aux aspirations triviales et terriblement raisonnables des parents s’opposent les rêves plus artistiques de leurs enfants, surtout Linh qui possède un véritable don pour la peinture. Mais leur futur n’est pas le seul point d’opposition potentiel entre parents et enfants : comme beaucoup d’immigrés de deuxième génération, Linh et Bảo sont sans cesse tiraillés entre leur éducation vietnamienne et leur quotidien américain. Loan Le montre ce va-et-vient permanent avec beaucoup de justesse et de psychologie. Enfin, nos deux adolescents vont sympathiser, puis peu à peu tomber amoureux, tout en sachant que leurs parents réprouveraient terriblement leur idylle, ce qui leur vaut le surnom inspiré des « Roméo et Juliette du phở » par la meilleure amie de Linh. Se cacher en permanence, avoir peur d’être pris la main dans le sac, et devoir mentir : tel devient le quotidien de nos deux jeunes héros. Si ça épice quelque peu leur amourette, le poids des non-dits et l’angoisse que la situation entraîne deviennent peu à peu intenables…
C’est une bien jolie romance, et un roman sur ce moment de l’adolescence où on se cherche, où on essaie de déterminer qui on est vraiment et ce qu’on veut faire de sa vie, mais c’est aussi et surtout un récit poignant sur la diaspora vietnamienne en Amérique, sur les boat people, sur les gens et les souvenirs que l’on laisse au pays, sur le racisme que l’on trouve dans son nouveau foyer. Loan Le livre des pages très émouvantes sur ces thèmes, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.
Ne passez pas à côté de ce roman plus profond qu’il n’en a l’air avec sa couverture pastel : il vaut vraiment le détour. Bonus : il vous donnera faim à de nombreuses reprises !
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