Lumière noire : entre danse contemporaine et actualité morose

ROMAN GRAPHIQUE — Lumière noire est le portrait d’une génération —notre génération ? — teinté de la puissance dévorante d’une passion artistique, à savoir la danse contemporaine.

Ava, brillante chorégraphe, envisage de mettre un terme à sa carrière dont elle trouve la reconnaissance illégitime. Désabusée face aux enjeux sociétaux de l’époque, elle n’a plus ni l’envie ni l’inspiration. En quête d’énergie créatrice, elle se rend à Bruxelles, au gala de fin d’études de l’école qui l’a formée. Ava est aimantée par la prestation de Ian, un jeune danseur, dont la fougue et la passion lui rappellent ses débuts. Sur un coup de tête, elle lui propose le rôle principal de sa nouvelle création, dont elle n’a encore rien imaginé. Ian, fasciné par Ava, la rejoint à Paris où il se laisse entraîner dans un jeu dangereux dont il ne connaît pas les règles. Les deux artistes se lancent avec frénésie dans cette chorégraphie qui se mue peu à peu en passion destructrice. Tandis qu’au dehors, le contexte social se tend, le chaos que traverse la société s’immisce peu à peu dans leur intimité. Les deux amants pourront-ils échapper au tourbillon qui menace de les engloutir ?

Parler de danse à travers des dessins aurait pu être périlleux … mais pas ici ! Les planches donnent de l’espace à la danse et à ses mouvements, ce qui rend l’ensemble très dynamique et détaillé. Au fil des pages, on alterne ainsi entre des cases dédiées à l’intrigue et celles centrées sur les chorégraphies. On y devine le mouvement des corps, la passion dévorante et la sensualité. Quand tout devient trop sombre, on découvre même le combat et la violence qui habitent les danseurs, consumés par le chaos qu’ils n’arrivent pas à contrôler.

Au fur et à mesure des parties, on voit que la chorégraphie qu’Ava cherche à créer est consumée par les tensions sociales extérieures ainsi que par la relation toxique qu’elle tisse avec son danseur. Plus qu’une histoire centrée sur l’art, Lumière noire se veut en fait le reflet d’une certaine morosité ambiante, de la lassitude d’une génération face à un quotidien des plus pessimistes. Les personnages sont loin d’être lisses, parfois même difficiles à aimer tant ils sont âpres et blessés par la vie. Mais c’est aussi ce qui fait la force de ce roman graphique, et ce qui le rend si poignant.

Alors on aime ou on n’aime pas la danse, mais Lumière noire est sans aucun doute un cri du cœur de ses auteurs, pour alerter sur les dérives d’un quotidien toujours plus sombre. Et l’actualité ne fera pas démentir …

Lumière noire, Claire Fauvel et Thomas Gilbert. Rue de Sèvres, octobre 2021.

 

Par Coralie.

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