Gallant : de l’autre côté du mur …

FANTASTIQUE JEUNESSE — Bienvenue au manoir Gallant ! V.E. Schwab nous entraîne dans son dernier roman aux nuances de gris, à l’atmosphère sombre et gothique sur le chemin d’une quête initiatique, celle d’Olivia. Entre fantômes et jardins, entre solitude et liens familiaux, prenez bien garde à vous dans le dédale de ces pages…

Toute petite, Olivia Prior a été déposée sur les marches de l’orphelinat où elle vit désormais. Incapable de parler, elle n’en sait pas moins se faire respecter des autres pensionnaires. De sa mère, il ne lui reste plus qu’un journal intime relié de cuir, plein de dessins étranges et marqué par la folie, dont les derniers mots sont : « Tu seras à l’abri tant que tu ne t’approcheras pas de Gallant. »
Mais la jeune fille ne rêve que d’une chose : avoir, un jour, une famille. Alors, quand elle apprend que son oncle l’a enfin retrouvée et l’invite à venir vivre dans le domaine familial de Gallant, Olivia n’hésite pas une seule seconde. Sur place, elle ne trouve que deux domestiques et un cousin, Matthew – qui, de toute évidence, ne veut pas d’elle. Elle découvre surtout que son oncle est mort et enterré depuis plusieurs mois déjà… Elle remarque enfin que tous les habitants du manoir semblent éviter comme la peste le mur qui s’élève derrière la propriété, au milieu d’une nature luxuriante. Quel mal se dresse là, au fond de ce jardin niché au bout du monde ? Qu’est-il vraiment arrivé à la mère d’Olivia, toutes ces années plus tôt ?

Ce qu’on aime avec Gallant, c’est que sous ses presques airs de roman jeunesse classique, il est en fait bien plus original qu’attendu. On vous explique tout ! La situation d’ouverture du roman pourrait en effet avoir un petit air de déjà vu tant les jeunes héros de papier sont nombreux à être orphelins et livrés à eux-mêmes. Bien évidemment, l’orphelinat de Merilance est un endroit sordide et injuste. De fait, il annonce plutôt l’ambiance de l’histoire à venir : l’atmosphère sera grise, lourde et embrumée. Mais c’est également là que le roman prend un tournant inattendu, avec le personnage d’Olivia. Orpheline comme les autres, la jeune fille a également la particularité d’être muette. Si le handicap n’est pas minimisé au quotidien, il n’en n’est pour autant pas insurmontable : Olivia n’est jamais réduite à cette caractéristique et l’aspect fantastique du livre ne vise pas à corriger cela. Une belle leçon de vie et de combativité de la part de cette jeune héroïne : isolée malgré elle des autres, Olivia s’accroche et cherche à surpasser sa frustration pour communiquer.
Les romans jeunesse/ado fantastiques sont à l’heure actuelle moins nombreux que l’offre qu’il peut y avoir pour la même catégorie mais en fantasy ou en science fiction. À ce titre, l’ambiance dépeinte par V.E. Schwab participe à faire rayonner ce genre, qui n’est pas sans rappeler Coraline de Neil Gaiman. Elle a choisi de placer son intrigue au début du XXe siècle, ce qui donne un petit charme désuet à l’ensemble et renforce également le côté gothique de l’histoire. Le fantastique est plutôt bien utilisé puisqu’il joue avec les nerfs du lecteur et flirte même parfois avec l’horrifique, sans jamais tomber dans l’horreur la plus totale. Car on le sent, derrière les ténèbres du manoir Gallant, la lumière et l’espoir ne sont jamais bien loin.

L’objet-livre en lui-même ravira sans aucun doute les adolescents, dès leur entrée au collège pour les bons lecteurs ! La couverture est magnifique et résume à elle seule l’intrigue sans pour autant la dévoiler au premier regard. Le récit est agrémenté et entrecoupé des aquarelles et des textes qui accompagnent Olivia au fur et à mesure de ses découvertes, ce qui donne un aspect très visuel au récit et nous permet de mieux appréhender le petit carnet de l’héroïne. Qui plus est, l’écriture de l’autrice est très cinématographique et on apprécie le soin tout particulier qu’elle a apporté à l’atmosphère et aux décors, qu’il est alors facile de faire surgir dans son imagination. L’environnement est gris, fade, étouffé … Muet, presque ! Jusqu’à ce que l’autrice, d’un mot, d’une phrase, mette en élément de couleur en avant et qu’il surgisse dans notre champ de vision jusqu’à emplir l’espace. Encore une fois une preuve de la très belle plume de V.E. Schwab. Comme souvent en jeunesse, ce sont les adolescents qui portent l’intrigue à bout de bras : Gallant ne fait pas exception, les adultes se font plutôt discrets dans cette aventure et laissent les jeunes prendre tous les risques !

C’est donc un joli roman jeunesse/ado que nous livre là V.E. Schwab, en nous proposant une atmosphère sombre et onirique qui sort des sentiers battus. Et puis, si vous aimez accorder vos lectures à la saison en cours, nous vous conseillons définitivement ce titre pour l’automne qui arrive !

Gallant, V.E. Schwab. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sarah Dali. Lumen, mars 2022.

 

Par Coralie.

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