FANTASY — Thomas C. Durand est un auteur français aux multiples casquettes. Car en plus d’écrire des romans, il est aussi vulgarisateur, vidéaste, et dramaturge !
Après Les Énigmes de l’aube, une saga de fantasy humoristique, le voici qui revient avec un singleton de fantasy, Le Rebord du monde.
Clour n’a pas une vie facile, car ses pouvoirs magiques terrifient ses parents. Au lieu d’être doté d’un pouvoir mignon, il est capable de faire fondre des choses. Après une énième bêtise – fort involontaire ! – impliquant des dommages corporels sur sa sœur, ses parents se décident : il partira pour la Chartre des Forces Nées, une forteresse perdue dans les montagnes, où l’on enferme les détenteurs de magies dangereuses et incontrôlables jusqu’à leur décès. Clour est effondré, mais suit malgré tout le mage qui l’emmène.
Or, passées les portes de la prison, sa panique se mue en perplexité. Car la communauté de la Chartre n’a rien à voir avec le mythe terrifiant qui circule partout. Certes, il y a bien une prison. Mais Clour est plutôt destiné à intégrer la communauté de Frères, qui vivent en autarcie et en harmonie. En harmonie ? Cela reste à voir. Car l’insatiable curiosité du petit garçon le met sur la piste d’un mystère qui pourrait bien menacer et la communauté, et les braves gens de l’Endehors…
Les malheurs de Clour nous entraînent dans un univers de fantasy médiéval où la magie est tolérée, tant qu’elle reste mignonne et contrôlable – ce qui marquera le début des mésaventures de notre héros, donc.
Assez vite, on bascule sur une ambiance à mi-chemin entre le monastère et l’école de magie. Monastère car les occupants de la Chartre, qui s’appellent entre eux “Frère” (même les femmes), sont organisés en une communauté assez austère, avec son lot de corvées, de rangs et d’obligations communes à respecter. Ecole de magie car, dès son arrivée, Clour est expédié en classe, où il apprendra notamment à lire. Mais d’apprentissage de magie, point. Lorsqu’il en sera question, il ressemblera plutôt à de l’auto-apprentissage qu’à de véritables cours. Ceci s’explique en partie par la sacro-sainte Règle de la Charte, en partie parce que les pouvoirs semblent relativement propres aux personnes : il semble difficile de trouver quelqu’un avec exactement le même pouvoir que soi ! Information à prendre avec des pincettes car le système de magie est assez peu détaillé dans le récit : on sait l’essentiel, et comme les Frères semblent n’y accorder aucune espèce d’importance, c’est raccord avec l’univers.
Clour est un personnage très touchant à suivre : il ne comprend pas ce qui lui arrive, ne rêve que de repartir à l’extérieur (cela va bercer le récit de bout en bout), et pose d’incessantes questions à ses Frères qui l’envoient tous plus ou moins bouler. S’il est difficile de trouver crédible cet enfant de neuf ans au début du récit, cela va de mieux en mieux, puisqu’on le suit jusqu’à ses treize ans.
La relative nouveauté de Clour au sein de la communauté et ses petits travers soulèvent d’intéressants questionnements. En filigrane du récit, on peut en effet lire une critique de notre société, notamment en ce qui concerne la différence (ici impitoyablement rejetée), ou des communautés fermées vivant repliées sur elles-mêmes. L’attitude de Clour induit quant à elle une critique de la curiosité, qu’il s’agisse de curiosité excessive… ou justement d’absence de curiosité, puisque c’est ce qui va servir d’élément déclencheur.
Celui-ci arrive très tard dans le récit : il faut attendre une grosse moitié du roman avant que la situation ne bascule et ne nous entraîne vers un peu plus de tension. Le début n’est clairement pas désagréable, mais il est concentré sur la construction de l’univers. De fait, toute l’action semble ramassée sur la fin et la résolution est particulièrement rapide, ce qui laisse une impression de fin quelque peu expédiée.
Le Rebord du monde propose donc un roman de fantasy médiévale qui surfe sur l’ambiance école de magie et dark fantasy, dans un huis-clos assez prenant. Les questions incessantes du personnage principal amènent un brin d’humour, qui dessine en sous-texte une critique absolument pas voilée de cette société – et par extension, de la nôtre ! Si les deux parties du récit sont un peu déséquilibrées en faveur de la première, on se laisse porter par la plume fluide de l’auteur et le personnage très attachant de Clour !
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