La Marchande d’antiquités de Venise : voyage dans les eaux troubles du XVIIe

ROMAN HISTORIQUE — Philippa Gregory est définitivement une valeur sûre quand on aime les romans historiques, et c’est toujours un plaisir que de suivre ses sorties chez Hauteville pour les versions françaises. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir son dernier roman en date, La Marchande d’antiquités de Venise.

Veille du solstice d’été, 1670. Sur les quais brumeux de Londres, Alinor rencontre James Summer, l’homme qui l’a abandonnée vingt ans auparavant. Celui-ci veut récupérer la seule chose qu’il ne peut obtenir avec sa fortune : leur fils, qui est né de leurs amours passées. Mais l’arrivée de Livia, une magnifique jeune femme en habits de deuil, vient semer le trouble. Elle affirme être la veuve de Rob, le premier fils d’Alinor, qui se serait noyé dans la lagune à Venise.
Alinor ne croit pas un mot de ce qu’avance cette prétendue marchande d’antiquités. Pour elle, cela ne fait aucun doute : son fils est vivant et Livia cache bien des secrets. Mais comment le prouver ?

Peut-être les noms vous évoquent-ils un vague souvenir ? C’est que, dans ce cas, vous avez sans doute déjà lu La Sorcière de Sealsea de la même autrice, dont l’intrigue se place exactement vingt auparavant. En ce sens, on aurait apprécié une mention sur la couverture et/ou dans le résumé indiquant que ce livre fait en fait partie d’une trilogie (The Fairmile series), consacrée à l’évolution de la place des femmes dans la société. La lecture du premier opus est à mon sens une étape non négligeable pour apprécier les tenants et aboutissants de ce livre, qui ne se lit donc pas comme le one-shot comme lequel il est amené.

Comme son prédécesseur, c’est un livre qui fait réfléchir à tête reposée. Le rythme est relativement lent, la plume peut-être un peu moins intrépide que dans certains romans de l’autrice. Celle-ci prend en effet son temps pour placer l’intrigue, à une époque où tout est encore très rythmé par les saisons et l’arrivée des bateaux au port après plusieurs longues semaines de périple. Le tout se lit malgré tout assez facilement, avant que l’intrigue ne s’accélère dans le dernier tiers du roman. Chose étonnante, ce sont les personnages les plus toxiques qui prennent le plus de place, et notamment celui de Livia, la jeune veuve faussement éplorée, qui a les dents bien longues. Mais a posteriori, peut-on vraiment en vouloir à une femme du XVIIe de vouloir tirer avantage d’une situation, à une époque où les femmes n’existent qu’à travers les hommes ? La construction de ce roman est donc bien plus astucieuse qu’il n’y paraît, pour peu qu’elle soit mise en parallèle de celle de La Sorcière de Sealsea. On y lit deux stratégies très différentes pour survivre, deux usages opposés de la féminité. Si certains rebondissements nous permettent évidemment de condamner Livia, tout n’est pas forcément à jeter dans ses actions afin de remettre un peu le XVIIe siècle en perspective. L’émancipation ne s’est certainement pas faite en un jour.

La Marchande d’antiquités de Venise n’est peut-être pas le roman le plus représentatif, ni le plus dynamique de la bibliographie de Philippa Gregory. Il a néanmoins le mérite d’exister en proposant une relecture du droit des femmes à l’aube du XVIIIe, non plus en nous racontant l’histoire extraordinaire des reines d’Angleterre, mais à travers les sombres secrets d’une famille qui essaie de sortir de la misère. À voir ce que le troisième et dernier tome nous proposera !

La marchande d’antiquités de Venise, de Philippa Gregory. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Mathias Lefort. Hauteville, mars 2023.

 

Par Coralie.

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