ROMAN — Dans un petit village d’Amérique latine vit une famille où les femmes sont folles de génération en génération, depuis la naissance en 1939 d’un petit garçon surnommé le Poète. Quelle est l’histoire de ces femmes ? À travers la voix de la plus jeune d’entre elles se déroule le récit d’une famille gangrenée par la démence…
Deux lignes narratives s’entremêlent : la dernière-née de la lignée raconte l’histoire de sa famille, depuis que la bonne de son arrière-grand-mère a mis au monde le Poète jusqu’à sa naissance. En parallèle, elle dresse un panorama de sa propre enfant et de sa construction schizophrénique, avec l’émergence d’une deuxième personnalité, plus affirmée et plus sûre d’elle, à l’âge de huit ans. Le récit déstabilise volontiers au début mais peu à peu, le lecteur se prend de curiosité pour la destinée de ces femmes malheureuses, attirées contre leur intérêt par le personnage flamboyant qu’est le Poète, charismatique même en couche-culotte. Doté d’une personnalité magnétique et d’un corps de statue grecque, le Poète sème la zizanie partout où il passe. Égoïste, inconstant, amateur en tous points de belles choses, ce n’est ni plus ni moins qu’un pervers narcissique avant la lettre, un Dom Juan nocif, à l’influence délétère… En cela, le roman en brosse un portrait complet et bien fait : quoi que fassent les femmes de la famille, tout loin qu’elles puissent fuir, elles reviennent toujours à lui tel un élastique que l’on claque.
Voilà donc un roman étonnant, parfois sombre, souvent émaillé de tragédies, qui porte en lui l’héritage des grands romans latino-américains : on pense étonnamment à Cent ans de solitude, dans la répétition ad nauseam des calamités et l’isolement un peu hors du temps du village de cette famille frappée par la folie.
La Morsure de la goyave, María Eugenia MAYOBRE. Nil, juin 2020. Traduit de l’espagnol par Margot NGUYEN BÉRAUD.
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