Yardam : un coup de coeur sombre et prenant signé Aurélie Wellenstein

FANTASY — Prophétique ? Peut-être un peu … Yardam est en effet un roman qui traite d’épidémie … et dont la première parution chez Scrineo date de mars 2020. Toute une histoire donc ! Sa sortie au format poche chez Pocket dans la collection “Étoiles montantes de l’imaginaire” est donc la parfaite occasion de (re)découvrir ce titre et son autrice, Aurélie Wellenstein. On préfère prévenir, ce roman s’adresse plutôt à un lectorat adulte, une fois n’est pas coutume !

À Yardam, la folie est sexuellement transmissible. Les individus ciblés par les porteurs du virus perdent toute substance pour se transformer en coquilles : des loques humaines, sans souvenirs, sans consistance, sans avenir. En échange, ils transmettent leurs souvenirs et leurs dons à celui qui les embrasse. Dans ce contexte, il est facile pour les personnes infectées de choisir leur cible : un peintre talentueux, un cuisinier ou bien encore le détenteur d’un secret bien gardé. Mais ce transfert de personnalité a un coût et la maladie devient hors de contrôle. Dans l’espoir d’endiguer l’épidémie, la quarantaine est déclarée. Toute la population est alors piégée à l’intérieur des murs de la ville, sans aucune échappatoire. Kazan, un voleur lui-même porteur du virus, est à deux doigts de s’échapper … Et pourtant, malgré le chaos qui se dessine dans la cité, il revient sur ses pas pour aider ces étrangers à la porte de la ville. Ce couple de médecins venus d’ailleurs pour s’enfermer volontairement avec les coquilles parviendra-t-il vraiment à trouver un remède à ce fléau ? Au contact de Kazan, Féliks et Nadja vont-ils comprendre la dynamique de cette infection avant qu’il ne soit trop tard ? Kazan, qui se débat avec ses démons au point qu’il ne sait plus s’il les aime ou s’il les hait, réussira-t-il à cacher sa part de responsabilité ?

Quel plaisir de retrouver aujourd’hui Aurélie Wellenstein dans un nouveau titre noir et percutant. Après une incursion du côté du roman fantasy écologique avec Mers mortes, la voici de retour dans un roman consacré à la noirceur de l’âme humaine, qui se rapproche peut-être plus du Dieu oiseau (tous deux lus et adorés sur Café Powell !). Le postulat de base ne laissera personne indifférent : si la folie était une infection sexuellement transmissible, à l’origine d’une véritable épidémie, que se passerait-il ? Les mots-clefs sont plutôt évocateurs, non ? Pandémie, virus, confinement … Autant de termes qui font douloureusement écho à l’actualité, et qui pourtant se réinventent comme jamais sous la plume de l’autrice. Son choix — judicieux — de placer cette histoire dans un lieu clos, sans jamais trop définir sa temporalité ou sa localisation donne d’autant plus de force et d’universalité au concept, tout en renforçant la légère impression de malaise qui court tout au long des pages.

Yardam, c’est le genre de roman sombre et prenant que l’on n’arrive plus à lâcher. Une fois la machinerie mise en route, on ne peut plus abandonner les personnages à leur destin. On a besoin de savoir … Le personnage principal n’est ni tout blanc, ni tout noir, et malgré tout ce qu’on pourrait lui reprocher, il devient attachant, ce qui permet de le suivre jusqu’au dénouement, sans forcément (trop) le juger, dans une étrange relation d’amour-haine. Tous les personnages sont d’ailleurs complexes et ambigus, avec une psychologie travaillée. Cette infection est une épée à double tranchant. Tour à tour don ou malédiction, elle permet, selon son porteur, de s’élever ou de sombrer. Imaginez-donc vivre avec une demi-douzaine (si ce n’est plus) de voix dans votre subconscient, qui se rebellent et veulent reprendre le cours de leur ancienne vie. Chaque vol de personnalité amène donc le voleur un peu plus près de la folie. Littéralement ! À travers ses personnages, c’est donc les vices et les bas-fonds de l’âme humaine qu’Aurélie Wellenstein nous propose d’explorer, sans épargner ni ses protagonistes, ni ses lecteurs.

Vous l’aurez compris, malgré la noirceur de cette histoire, c’est un gros coup de cœur ! Un concept original au format one-shot, des chapitres qui se suivent à toute vitesse et une écriture poétique malgré la violence du contexte. Si une lecture sombre ne vous fait pas peur, il vous faut à tout prix suivre Kazan dans sa quête de rédemption …

Yardam, Aurélie Wellenstein. Scrineo, mars 2020, réédition Pocket, mars 2022.

 

Par Coralie.

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