La petite ville de Clearwater est une ville américaine comme il en existe beaucoup outre-Atlantique : calme, paisible, et même vaguement ennuyeuse, il ne s’y passe jamais rien de notable. Les quelques milliers d’habitants se connaissent tous, car ils vivent dans cette bourgade depuis plusieurs générations. L’on s’y transmet maisons et commerces de père en fils. Jusqu’au jour où Clearwater fait les gros titres des journaux, après un miracle. Oui, vous avez bien lu, un miracle, ni plus, ni moins. L’une des habitantes fait un jour, en pleine messe, une révélation surprenante : elle a reçu un appel téléphonique de sa sœur. Or, celle-ci est décédée depuis deux ans.
D’autres voix s’élèvent alors, d’habitants qui ont tous reçu l’appel d’un proche mort. Les médias s’emparent de l’histoire. Véritable signe divin, ou supercherie cruelle ? Les avis sont partagés, entre ceux qui rêvent de croire à un paradis, et ceux qui rejettent violemment l’idée même d’une vie après la mort.
Sully Harding, le héros de ce roman, vient de sortir de prison, où il a passé quelques mois. Ces quelques mois incarcéré ont suffit à détruire sa vie : emprisonné injustement, il vient également de perdre sa femme, et se retrouve seul pour élever son fils de sept ans, Jules. Quand Sully a vent de cet étrange phénomène, et qu’il voit son petit garçon attendre désespérément un appel de sa maman décédée, son sang ne fait qu’un tour. Si escroquerie il y a, cet ancien militaire le découvrira.
Le récit de Mitch Albom montre comment l’existence d’une petite communauté est chamboulée par un phénomène d’une ampleur qui dépasse ses habitants. Comment réagir face à l’éventualité d’un miracle, face à la possibilité de résoudre une des énigmes les plus anciennes de l’humanité, de découvrir ce qui se cache de l’autre côté du rideau de la vie ? Même le clergé local est dépassé, et contraint de s’allier pour faire face aux questions des fidèles, et aux conversions presque instantanées que suscitent ces étranges appels. Mitch Albom montre avec beaucoup de doigté les dérives de la presse, avec des journalistes prêts à tout pour obtenir une déclaration choc de la part des « élus », quitte à jouer avec une fragilité psychologique de plus en plus marquée. Si l’affaire des appels de l’au-delà n’intéresse au départ qu’une petite chaîne locale, les ténors de la profession finissent par se réunir à Clearwater, devenue en quelques semaines le lieu de pèlerinage de, semble-t-il, l’humanité toute entière.
Cette communauté est croquée avec efficacité et réalisme, d’une manière qui n’est pas sans rappeler Stephen King, dans sa façon de saisir sur le vif un petit village, ses ambitions et ses frustrations, comme il le fait notamment dans Dôme ou Salem. L’efficacité justement caractérise le style de Mitch Albom : celui-ci, sans détour, ne s’embarrasse pas de métaphores ou de phrases trop alambiquées. On va droit au but, et au diable les fioritures. On passe rapidement d’un personnage à l’autre. Cette simplicité du style peut sembler un peu trop facile, et un peu trop brute, mais au fond, sert bien l’histoire et ses rebondissements.
Si Premier appel au paradis n’égale pas le très bon Les cinq personnes que j’ai rencontré là haut, et manque peut-être un peu d’émotion par rapport à ce dernier, il demeure un très bon roman de détente, qui se lit en quelques heures avec beaucoup de plaisir.
Premier appel du paradis, Mitch Albom. Kero, 2014.
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