Aelita André : l’enfance de l’art

Aelita André : l'enfance de l'art

On voudrait spontanément parler d’enfant prodige lorsque l’on s’intéresse à la très jeune artiste australienne Aelita André, née en 2007. Et pour cause, elle réalise ses premiers travaux à seulement neuf mois, œuvres qui seront présentées lors de sa première exposition à l’âge de deux ans. L’histoire veut qu’Aelita André ait découvert la peinture avec son père, Michael, pour qui peindre était un passe-temps avant même la naissance de sa fille. Il explique qu’il se trouvait dans le salon familial, prêt à peindre, lorsqu’Aelita est venue à ses côtés, et s’est emparée sans l’ombre d’une hésitation des tubes de peintures qu’elle a commencé à déverser sur la toile, étalant et tamponnant la matière. Avant même de savoir parler ou marcher, Aelita André trouve son moyen d’expression dans l’art pictural, qui s’impose comme une évidence.

Ses œuvres sont débarrassées d’un potentiel problème de figuration ou de représentation. L’innocence avec laquelle elle peint est le signe de son infinie liberté expressive : son intérêt se porte sur la couleur, la texture, la lumière, les formes, les lignes qui permettent de revenir à l’essence de l’art abstrait. Elle utilise des poudres, des objets qu’elle insère dans ses tableaux, des coulures de matière et expérimente ainsi les possibilités que lui offrent la peinture. Chaque giclée de couleur, chaque tache est comme la signature sensible de son innocence, révélant alors la toile comme une essence de l’Abstraction, un retour à sa pureté originelle. Il est en effet dans les usages d’associer l’oeuvre d’Aelita André à ce que les maîtres de la peinture abstraite tels que Kandinsky ou Klee ont cherché à exprimer durant toute leur vie : la richesse de l’impulsion artistique, revenue à sa source. Picasso et Rothko défendaient d’ailleurs la pratique artistique des enfants, considérant leur expression comme ambitieuse, pure, nouvelle et révolutionnaire.

Aelita André offre une peinture vivante et nous invite dans son monde pictural onirique et original en proposant un univers riche et émotif, léger et attrayant. En 2013 elle réalise notamment Night Dance of Fluttering Butterflies, une huile sur toile qui combine peinture, poudre dorée et objets insérés dans le tableau. Le fond d’un bleu-vert sombre est en contraste avec les jaunes et rouges vifs ainsi que le blanc. Aelita André compose sa toile avec des tâches de peintures où les couleurs s’entremêlent, de fines arabesques miment le vol libéré des papillons, un halo de poussière apportant brillance et féerie à l’ensemble. Cette toile semble n’être qu’une facette d’un microcosme, comme une porte ouverte sur un royaume de rêves et de fantasmagories, alliant la légèreté et l’ingénuité du geste à la force du pigment. Presque astral, la composition a une aura ensorcelante : si on laisse son regard s’attarder sur l’oeuvre, on sent son attention se détacher des éléments environnants et se focaliser sur l’univers forgé par l’artiste. La peinture devient autonome, libre et dénuée de problématisation : elle est. Étonnamment, ce n’est pas un sentiment d’interrogation ou d’incompréhension qui naît de l’observation de cette toile, mais bien une fascination apaisante. Entre composition stellaire et fantastique, Aelita André propose au spectateur une destination picturale inédite qui laisse pantois.

Aelita André offre une peinture vivante et nous invite dans son monde pictural onirique et original en proposant un univers riche et émotif, léger et attrayant. En 2013 elle réalise notamment Night Dance of Fluttering Butterflies, une huile sur toile qui combine peinture, poudre dorée et objets insérés dans le tableau. Le fond d'un bleu-vert sombre est en contraste avec les jaunes et rouges vifs ainsi que le blanc. Aelita André compose sa toile avec des tâches de peintures où les couleurs s'entremêlent, de fines arabesques miment le vol libéré des papillons, un halo de poussière apportant brillance et féérie à l'ensemble. Cette toile semble n'être qu'une facette d'un microcosme, comme une porte ouverte sur un royaume de rêves et de fantasmagories, alliant la légèreté et l'ingénuité du geste à la force du pigment. Presque astral, la composition a une aura ensorcelante : si on laisse son regard s'attarder sur l'oeuvre, on sent son attention se détacher des éléments environnants et se focaliser sur l'univers forgé par l'artiste. La peinture devient autonome, libre et dénuée de problématisation : elle est. Étonnamment, ce n'est pas un sentiment d'interrogation ou d'incompréhension qui naît de l'observation de cette toile, mais bien une fascination apaisante. Entre composition stellaire et fantastique, Aelita André propose au spectateur une destination picturale inédite qui laisse pantois.
Night Dance of Fluttering Butterflies

Produisant entre deux et trois tableaux par semaine, lorsque la jeune artiste ne peint pas elle esquisse, croque. Et lorsqu’elle n’a ni pinceau ni crayon à la main, elle réalise des films sur sa tablette.

Internationalement reconnue, Aelita André expose à New-York à l’Agora Gallery en 2011, et l’intégralité de ses toiles est vendue en une semaine. En Novembre 2013, elle réalise une œuvre devant une audience de vingt mille personnes à Salt Lake City dans l’Utah, aux Etats-Unis : elle peint directement sur un violon avec lequel elle joue à peine après avoir fini de l’enduire de matière.

Elle expose enfin en Février et Mars 2014 dans la prestigieuse Yan Gallery à Hong Kong pendant l’Asia Art Fair. Refusant catégoriquement tout enseignement se rapportant à la technique picturale, Aelita André est passionnée de science et considère que l’association de cette discipline avec l’art est aux antipodes de l’absurdité. Elle s’investie aussi dans l’apprentissage de divers instruments et ne demande qu’à en savoir d’avantage sur le monde, au sens large. Difficile en effet de ne pas considérer Aelita André comme une enfant prodige qui a tout d’une adulte, à l’imaginaire résolument espiègle.

Le parcours atypique de cette artiste se présente à nous presque comme un mythe, une fiction où se rencontrent poésie et matière picturale. On a même le sentiment que l’oeuvre d’Aelita André est au paroxysme de l’autonomie : indépendante du monde de l’art, dans la mesure où son très jeune âge fait de son travail une production extra-ordinaire. Se distinguant de tout sillage artistique, elle ouvre une nouvelle voie à la création qui reste difficile à définir. Se pose alors la question de l’artiste, de l’oeuvre. Il est pourtant indéniable, aux vues du travail d’Aelita André, de parler d’art et de peintre. Son travail est vendu et reconnu dans la monde entier, faisant alors partie intégrante du marché de l’art international. Quelque chose reste pourtant en suspend : elle expose pour la première fois à deux ans, lorsqu’elle n’est donc qu’une petite enfant. Pour autant, elle a tout d’une artiste en vogue : le talent, le statut d’autodidacte, mais surtout l’histoire. Dans une société où l’innovation est au cœur de toutes les recherches, la différence et la distinction sont les clés de la monstration. Ainsi l’ingénuité touche même plus qu’elle n’ébahie, créant une convergence des regards sur une œuvre singulière. Sans jamais dénigrer la virtuosité picturale d’Aelita André, une question pique les lèvres : ne pourrait-on pas voir ici, au même titre que les Minis Miss, une forme d’assujettissement de l’enfant et de ses aptitudes ? Il ne s’agit pas de remettre en cause l’artiste, mais bien d’interroger le fonctionnement du monde de l’art. Dans ce sens, l’exposition et la reconnaissance ont sans doute été absents de la démarche artistique, alors pourquoi les provoquer ? Chaque œuvre est l’empreinte d’un geste pur, par extension l’intention de l’artiste l’est tout autant. N’est-il alors pas de l’ordre de la dénature que de calculer spontanément la valeur d’une chose lorsqu’elle est signée par l’innocence ? Face aux toiles d’Aelita André, on sent une telle proximité avec l’artiste et le monde qu’elle dépeint, au point qu’on se rend compte que l’on touche son intimité. L’innocence du geste illustre le fait que la matière est une forme d’expression profonde, dépourvue de quelconque barrière : l’artiste peint ces émotions telles qu’elle les vit, plaçant le spectateur à la place du voyeur, regardant ce qu’il n’est pas supposé voir. Subjugué, il aperçoit déjà la carrière dorée de la jeune peintre, découpant alors sur le travail d’Aelita André le patron de la société.

L’art reste aux yeux de tous le symbole même de la liberté, voire son moyen de revendication. Le praticien est libre dans la totalité de ses choix plastiques et sémantiques ; les conditions de sa reconnaissance à l’échelle mondiale dépendent paradoxalement du public, qui reste en perpétuelle recherche de surprise. Cette sensation serait presque le mot magique : l’artiste doit surprendre son auditoire, lui présenter quelque chose de toujours plus innovant afin de conserver son attention. L’art en tant que patrimoine universel traverse les âges et est constitutif de notre humanité. Aujourd’hui la concurrence est le moteur d’une certaine production artistique fondée sur la nouveauté issue de la différence. L’approche commerciale de l’art laisse le pan créatif – au sens de l’appréciation plastique et émotive d’un objet – dans l’ombre. Le travail d’Aelita André et le retour à la source de l’Abstraction qu’elle opère est désorientant. Si certains artistes à travers l’Histoire de l’Art sont reconnus à titre posthume tel que Vincent Van Gogh à la fin du XIXè siècle, Aelita André est peut-être l’initiatrice d’une toute nouvelle génération pour qui le processus s’inverse, et la maturité artistique devient l’enfance de l’art.

Par Margot Whitehead

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