Retour d’une séance : Mea culpa, de Fred Cavayé

Les films français sont toujours associés à de la médiocrité, un espoir de « faire comme les grands », sans jamais y parvenir. Peu sont ceux qui sortent du lot, ceux de Fred Cavayé en font partie.

Cavayé, c’est aujourd’hui avant tout un thriller marquant, A bout portant. Son deuxième long métrage après Pour elle, et un énorme succès en salles. Cette fois, le réalisateur – qui est aussi coscénariste –  revient sur ses amours de jeunesse, en combinant ces deux films. Selon les dires du réalisateur, Mea culpa est conçu comme le dernier volet d’une trilogie initiée par Pour elle. Et ça marche. Cavayé est sur un sujet qu’il connaît, et on le sent à l’aise. Après avoir apporté des avancées prodigieuses dans ce genre de fond de placard qu’était le polar français, le réalisateur met à nouveau une énorme claque à tous les réfractaires de cette nouvelle vague.

Bref retour sur l’histoire. Flics sur Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission. De retour vers chez eux, ils percutent une voiture. Bilan : deux victimes dont un enfant. Franck est indemne. Simon, qui était au volant et alcoolisé, sort grièvement blessé. Il va tout perdre. Sa vie de famille. Son job de flic. Six ans plus tard, divorcé de sa femme Alice, Simon est devenu convoyeur de fonds et peine à tenir son rôle de père auprès de son fils Théo qui a désormais 9 ans. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d’une corrida, le petit Théo va être malgré lui le témoin d’un règlement de compte mafieux. Très vite, il fera l’objet de menaces. Simon va tout faire pour protéger son fils et retrouver ses poursuivants. Le duo avec Franck va au même moment se recomposer. Mais ce sera aussi pour eux l’occasion de revenir sur les zones d’ombre de leur passé commun.

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En dépit d’un scénario plutôt classique, la mise en scène est parfaitement menée. Toutes les scènes s’enchaînent de manière fluide et logique, on sent vraiment un travail méticuleux et précis. Les différentes parties du film passent à une vitesse folle, mais leur équilibre est relativement correct. Une fois sortie de la salle, une heure et demie plus tard, tous les éléments sont clairs, rien n’est à ajouter. On regrettera néanmoins quelques ficelles un peu grosses et des petits airs de déjà vu, notamment dans la première partie.

Mais ce que l’on apprécie chez Cavayé – particulièrement présent ici – c’est son rapport à l’image. Plans et cadres sont travaillés, et pas un n’est fait à la va-vite, ou n’est raté. Il est d’usage de dire qu’un plan est comme un mot. Il véhicule une émotion particulière, et utiliser un tel à la place d’un autre peu modifier de manière radicale votre façon de percevoir les choses. Cavayé réussit ici le tour de force d’inscrire la majeure partie de son travail sur ces plans. Les dialogues, voulus et écrits minimalistes – j’y reviendrais – ne sont en fait que des pistes pour laisser les plans s’exprimer.

Tout le monde a un jour vu un polar français. Que ce soit un dimanche soir sur un chaîne câblée, ou par un DVD prêté d’un ami de la famille du cousin, le polar français fait partie de notre culture. Cette succession d’images sombres, désaturées au possible, à la limite du noir et blanc, ont étés pendant longtemps un des principaux moyens de faire passer un sentiment d’angoisse. Plus c’est gris, plus ça marche. Mais alors que les grosses productions ont fait fi de cette méthode, pour se pencher sur une vraie utilisation de la couleur, le cinéma français s’obstine encore et toujours, résistant à l’envahisseur.

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Heureusement, certains osent tenter de passer le cap. C’est ainsi que Mea Culpa possède un rapport à la couleur très intense. Certaines scènes sont vraiment extrêmement colorées, à la limite du surréalisme. Les dominantes sont à la fois un choix artistique et un moyen de transmettre un sentiment bien précis. On passe ainsi de rouge à bleu en passant par du jaune, de l’angoisse à l’attente.

Venons-en aux dialogues. Cavayé a ainsi souhaité les minimiser : »Le dialogue n’est là que pour faire passer quelque chose qu’on ne peut véhiculer par l’image, ou même par la musique. Le spectateur n’est pas un animal que l’on nourrit, c’est un être humain avec des sentiments universels que l’on peut utiliser pour raconter l’histoire. » explique-t-il à propos de son rapport à l’image et de ses dialogues. L’intention est louable, mais tient plus du délire d’artiste que d’une vraie préoccupation. Il s’agit là d’un des seuls reproches que l’on peut lui attribuer. A vouloir en enlever sans nuire à la compréhension, on tombe dans un juste milieu assez dérangeant. Pas assez pour que les dialogues soient développés et intéressants, et trop pour que ce soit vraiment minimaliste. Ceci est valable pour la première partie essentiellement, l’action comblant ensuite cette lacune.

Enfin, terminons sur les performances d’acteurs. Par-delà un Vincent Lindon parfait dans son rôle d’archétype de l’homme perdu qui tente de reconstruire sa vie, Gilles Lellouche possède relativement bien son personnage. Mention spéciale au jeune Max Baissette de Malglaive, remarquable dans la rôle de Théo, malheureusement trop absent pour un personnage de cette importance. Si Lindon est merveilleusement froid et absent envers son fils, celui-ci aurait mérité un peu moins de retenue, même s’il est difficile d’en demander autant à cet âge-là.

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En bref, Mea Culpa est plutôt un bon film. Même si quelques faiblesses scénaristiques et des dialogues quelque peu plats sont à déplorer, l’ensemble est tout de même de très bonne facture, et renouvelle un genre acquis comme enterré à jamais. Les plans de caméra audacieux et une nouvelle esthétique sur le rapport à la couleur apportent un vent de fraîcheur dans le cinéma français, et notre petite production n’a rien à envier au gros films d’action bourrés à la testostérone hollywoodienne. On en viendrait presque à se pencher plus en profondeur sur le cinéma français – j’ai dit presque, faut pas exagérer non plus.

Par Baptiste

1 Commentaire

  1. Critique intéressante ça donne envie de voir le film. Juste une remarque, il y a tout de même Jacques Audiard comme référence du polar français, non?

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