Un roman touchant : Anne F.

Un attentat à Paris. Pendant un marathon. Pendant que son père courait. De cet acte de terrorisme naît chez le narrateur une culpabilité qui le pousse à remettre l’utilité de sa vie en question. Il est rongé car il pense qu’il aurait pu éviter ce drame, au moins celui-ci. Un de ses anciens élèves, B. Jahrel a commis l’irréparable au nom de sa religion. B. Jahrel est un échec cuisant dans la carrière irréprochable de cet auteur et professeur. Pendant plusieurs années, il avait pourtant aidé ce jeune homme à s’ouvrir aux autres à travers les livres, l’écriture et ça avait fonctionné. L’ouverture à la connaissance et au pouvoir des mots avaient rendu le sourire à l’adolescent mais un seul été a suffi à l’emplir de haine jusqu’à tenter de brûler en pleine classe, Le Journal d’Anne Frank. Un auto-da-fé que son professeur n’a pu supporter. Emporté par sa propre réaction impulsive, il a même demandé son exclusion. Avec le recul, il sait l’avoir abandonné aux mains de l’irréflexion, de la solitude, il l’a rendu proie. Une proie facile, manipulable, perdue dans ces guerres millénaires entre les religions, les incompréhensions, les rejets, les discriminations.

Le narrateur, avant de mettre fin à ses jours, relit plusieurs fois ce déclencheur qui est pourtant un symbole de paix. Il relit, à l’âge adulte, Le Journal d’Anne Frank et veut, avant de s’éteindre lui écrire une lettre anonyme, d’excuses, d’admiration à celle qui a résisté. Un hommage à sa petite soeur d’écriture, de passion, d’injustice. Il retrace les uniques quinze années de la vie de la jeune allemande, jusqu’à sa mort en 1944 dans le camp de Bergen-Belsen alors que les alliés sont presque à sa porte, dans l’Annexe, à Amsterdam.

Il puise dans ce journal le courage qui lui manque, l’exemplarité qu’il voudrait acquérir et nous offre une sorte de dialogue à une voix entre une jeune figure emblématique de la haine raciale et un homme au bord du gouffre, au bout de ce qu’il peut supporter de lui-même.

Ce livre ne peut se lire sans une boule dans la gorge et parfois les larmes aux yeux. Tant par la beauté qui peut transpirer de chaque caractère, de chaque phrase que du message de paix qui est véhiculé. Un message sans concession qui appelle au combat pacifiste par la culture, l’apprentissage, l’amour de l’autre pour que ne recommence pas une guerre de propagande qui entraîne des millions de morts avec elle avec pour base une seule cause : la mégalomanie.

Anne F., Hafid Aggoune, Plon

Il ne suffira jamais de parler de ce livre, il faut le lire pour l’éprouver, le sentir, le comprendre. Comme le narrateur, tout adulte, tout adolescent, tout enfant en âge de lire, devrait lire, relire Le Journal d’Anne Frank pour réaliser que la fougue de la jeunesse peut être fauchée par la folie des Hommes. La vie est éphémère, injuste. Il faut s’indigner. Tous. Chacun à notre façon, avec nos armes : mots, musiques, sourires, regards, écoute. Chaque pas vers l’autre est un recul de l’indifférence, de l’individualisme, de l’extrémisme quel qu’il soit.

Anne F., Hafid Aggoune. Plon, août 2015.

Par Bérangère

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