Romain Monnery a de l’humour. Vraiment. Ceci étant dit, nous allons pouvoir nous pencher ensemble sur son deuxième roman, Le Saut du requin, qui décortique les relations amoureuses à l’heure d’Internet avec un pragmatisme et juste une pointe d’exagération tout à fait jouissifs.
L’auteur est parti d’un constat, tout simple : les histoires d’amour, c’est toujours compliqué. Il s’agit tout de même de faire cohabiter deux égos, et rien n’est plus simple quand l’un des protagonistes, Ziggy, semble en avoir un de la taille de celui de Zlatan (au moins). L’histoire de Ziggy et Méline a débuté comme parfois de nos jours : sur un site internet. Le roman s’ouvre sur une phrase qui donne le ton d’emblée : « C’est vrai que ça n’était pas l’homme idéal. » Attention, euphémisme ! Car Ziggy est tout simplement le pire mufle de littérature qu’on puisse imaginer : égoïste, imbu de lui-même, tyrannique, absurde, paresseux, égoïste (ah, on l’a déjà dit ? Autant le répéter, au vu du personnage). En face, Méline est une de ces filles solitaires, plutôt quelconques, qui n’ont pas confiance en elles et qui ont parfois d’un solide coup de pied bien placé pour réagir. L’union de ces deux personnages ne pouvaient que faire des étincelles. Étonnamment, quand le lecteur entre dans la danse, cela fait déjà un an que cela dure, entre eux. Qui l’aurait cru ? Le lecteur découvre, effaré, le règlement que Ziggy déclame à Méline, sitôt leur première étreinte consommée. Mais Méline est tellement seule et désespérée qu’elle accepte. Elle accepte tout. Jusqu’au jour où…
Un jour, Méline demande à Ziggy s’il l’aime. Patatras ! Le jeune homme se sent oppressé. Il imagine rompre avec Méline, puis, lâche, car il l’est aussi, il décide de se rendre insupportable pour que la rupture vienne plutôt de Méline. Méline, de son côté, se fait vivement secouer par une collègue délurée, qui la pousse dans les bras d’un collègue. A Méline le pouvoir, enfin ! Comment va réagir Ziggy à la rébellion de sa copine, qu’il a connue plus serpillière que femme forte ? Nous vous laissons le découvrir.
Le style de Romain Monnery est fluide et emprunte de nombreuses références à la culture populaire, créant une sensation de connivence avec le lecteur. Il nous livre un récit très moderne, qui tourne en dérision les codes actuels de la vie de couple, de quoi effrayer les célibataires, mais également faire rire à gorge déployée tous les autres. Romain Monnery joue avec les clichés pour notre plus grand plaisir. Ziggy est ainsi un personnage tout bonnement improbable, ce qui lui donne paradoxalement une vraie épaisseur, une véritable réalité. A bien chercher, on doit pouvoir trouver pareille caricature sur la toile ! Quant à des Méline, on en connait tous une ou deux, voire trois. Méline est le personnage du récit qui parvient le plus à évoluer, à sortir de son rôle, alors que Ziggy est sans cesse rappelé à ses travers.
Romain Monnery nous livre un deuxième roman réussi, toujours très drôle, mais qui, au-delà, nous fait réfléchir au milieu de la drague sur internet, où l’amour est devenu un bien de consommation comme les autres.
Le Saut du requin, Romain Monnery. Au diable vauvert, 9 janvier 2013.
Par Emily Vaquié
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