La Trilogie des Illumières : Il était une fois… les limbes.

Auteur américain, Neal Shusterman s’est fait un nom, outre-Atlantique, avec ses romans destinés aux adolescents et jeunes adultes, comme Les Fragmentés ou La Trilogie des Illumières, deux excellentes séries aux univers bien différents, et qui sont édités en France par Le Masque, dans sa collection jeunesse (MsK). Si Les Fragmentés met en scène un univers dystopique plein de violence, la Trilogie des Illumières est bien plus poétique.

éternéant

Allie et Nick ne se connaissent pas. Lui revient du mariage d’un cousin dans la voiture familiale, l’autre effectue un trajet avec son père, et lui dispute le contrôle de l’autoradio. Au détour d’un virage, c’est le drame : les deux véhicules se percutent. Lorsqu’Allie et Nick reviennent à eux, ils sont heureux de constater qu’ils n’ont rien. L’ennui, c’est que tous les autres, voitures et véhicules de secours compris, ont disparu. Ils sont seuls, perdus sur cette route de montagne. L’autre ennui, c’est que le sol ressemble à s’y méprendre à des sables mouvants, et qu’ils s’y enfoncent. Et le monde vivant ne semble pas les percevoir.

Il faut donc se rendre à l’évidence : Allie et Nick n’ont pas survécu à l’accident et, pour une raison qu’ils ignorent, ils persistent sur terre, dans un espace parallèle au monde vivant. Partant à la découverte de ces limbes immatériels, dans lesquels les esprits immobiles s’enfoncent, ils ne vont pas tarder à découvrir qu’ils ne sont pas les seuls. Sous la houlette de Racine, une âme perdue séjournant dans une immense forêt fantomatique, ils partent à la découverte de leur nouvel univers : l’Éternéant. Celui-ci accueille les âmes des enfants et adolescents qui n’ont pas suivi la lumière au bout du tunnel. Mais également le souvenir fantomatique d’endroits qui était appréciés des gens, ou ayant eu une histoire particulière : ainsi, en arrivant à New York, Allie, Racine et Nick trouvent un grand nombre d’Illumières vivant… dans les tours du World Trade Center.

Mais il serait dangereux de croire que tout va pour le mieux dans l’Éternéant :  Allie et Nick ne tardent pas à découvrir que leurs souvenirs s’estompent peu à peu, allant jusqu’à leur faire oublier leur identité ou, pire, leur apparence. Et l’Éternéant n’est pas exempt de danger : ainsi, le McGill, un monstre terrifiant arpente les océans à bord d’un Hollandais volant spectral, tandis qu’une autre âme enlève, séquestre et torture les infortunés Illumières croisant son chemin… ce qui n’empêchera pas nos deux jeunes Illumières de partir à la découverte.

La Trilogie des Illumières marque donc par son univers original, sorte de version revisitée des limbes traditionnels. Neal Shusterman comble son Éternéant de lieux mythiques, ayant marqué l’histoire, ou en utilisant la matière des mythes et légendes urbaines : aux côtés du Hollandais volant, on croise par exemple l’Hindenburg, gigantesque dirigeable ayant marqué l’histoire du XXe siècle ; les Illumières vivent dans des vestiges de lieux ayant marqué les esprits ou l’histoire (seuls endroits où le sol est ferme) : tours jumelles de New York, cités mayas, site d’Alamogordo, le choix est vaste et varié. Les références à l’histoire mondiale sont légion, et toujours en subtilité, ce qui fait qu’on est souvent – et positivement – surpris par le petit clin d’œil discrètement  glissé dans la narration. Tout cela fait de l’Éternéant un univers original, mais également réaliste, avec juste ce qu’il faut de fantaisie et de poésie.

le-voyage-des-ames-perdues-3532223-250-400

L’histoire est portée par le duo Nick-Allie, mais Neal Shusterman campe également quelques personnages secondaires : ce qui est remarquable, ici, c’est que tous sont très fouillés, et que l’auteur évite un manichéisme facile. Même les opposants ont de bons côtés et, malgré leur statut, ils peuvent se montrer très touchants. Bon, bien sûr, il y a quelques personnages qui, en plus d’être bêtes sont carrément méchants, mais c’est assez représentatif de la réalité. Loin de proposer une fiction opposant simplement gentils/méchants, l’auteur propose donc une intrigue un peu plus élaborée, et tout en nuances. D’autant que l’histoire n’est pas gratuite : outre la réflexion sur la vie après la mort, on trouve des réflexions philosophiques émaillant le récit, toutes traitées avec justesse. Neal Shusterman a vraiment l’art et la manière de mêler divertissement et questions sérieuses dans ses romans. Si on ajoute à ça sa maîtrise des codes de la narration, on obtient très vite le récit très prenant de la trilogie : passé le premier tome plus descriptif (car il introduit les protagonistes et place les bases de l’univers), l’intrigue est menée tambour battant. Le suspens est présent à chaque page et, lorsque la tension commence à retomber, l’auteur relance l’intérêt du lecteur par des annonces, des cliffhangers ébouriffants, ou des retournements de situations pour le moins inattendus. Moralement, c’est éprouvant, et on a du mal à lâcher le roman, tant on s’immerge facilement dans l’histoire. Et c’est avec regrets que l’on arrive à la fin : bien qu’elle soit tout à fait satisfaisante et qu’elle conclue magistralement le récit, on ne peut s’empêcher d’éprouver une pointe de tristesse à l’idée de quitter définitivement cet univers enchanteur.

9782702435342-G

La Trilogie des Illumières est donc l’occasion, pour Neal Shusterman, de se réapproprier le mythe des limbes, pour en faire un univers original, complexe, basé sur la réalité et l’histoire mondiale, mais également fantaisiste et poétique. Après un premier tome agréable à lire, on bascule dans une aventure furieusement trépidante, difficile à lâcher, et que l’on quitte à regret une fois la dernière page tournée, tant l’univers, l’intrigue et les personnages sont attachants. Voilà une série coup de cœur à offrir à vos ados en mal de romans aussi prenants qu’originaux, ou bien à leur piquer !

La Trilogie des Illumières : L’Éternéant ; Le Voyage des âmes perdues et La Cité des âmes, Neal Shusterman. Publié aux éditions du Masque (collection MsK). 

Par Oihana

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.