Le Sabre de sang : Histoire de Tiric Sherna, Thomas Geha.

Auteur prolifique et touche-à-tout, Thomas Geha a d’abord exploré la  science-fiction avec deux romans – tout juste réédités en intégrale chez Critic, sous le titre intégral Alone – avant de se lancer en fantasy avec le diptyque Le Sabre de sang, qui vient également d’être réédité, en poche, chez Gallimard.

Tiric Sherna a survécu à la guerre dans les Sept Royaumes : les Qivhviens, race d’homme-reptiles, asservissent peu à peu tous les royaumes et tous les peuples. Le peuple shao, celui de Tiric a vaillamment combattu, mais s’est incliné. Fait esclave, Tiric Sherna courbe l’échine, accomplit les volontés de sa vipérine nouvelle maîtresse et descend, à sa demande, combattre les meilleurs gladiateurs de Ferza dans l’arène. En apparence, Tiric Sherna est un esclave soumis. Mais sous son apparence placide, la révolte gronde… Foi de guerrier shao, il n’a pas dit son dernier mot.

sabre de sang

Le roman s’ouvre sur une scène de combat magistrale : en quelques lignes, on sent que l’ambiance du roman va être lourde, poisseuse, empreinte de violence, de combats, de sang, et de mort, et cela ne se dément pas au fil des pages. On plonge rapidement dans un univers d’une incroyable richesse : pays, rites, créatures, tout a été pensé, orchestré. Tant et si bien qu’on en aimerait plus : on voudrait plus de détails sur la cité de Ferza, sur le matriarcat Qivhvien, sur la vie des Sept Royaumes avant la guerre, ou sur les pensées des personnages évoluant autour de Tiric : le récit étant mené à la première personne, on ignore tout des pensées de ces autres témoins de l’action, ce qui peut parfois s’avérer quelque peu frustrant. Mais le style est fluide, et l’histoire très prenante : on se passionne pour les péripéties traversées par Tiric et Kardelj, ce qui compense la légère frustration induite par le point de vue narratif. L’écriture étant très visuelle, c’est avec une précision quasi cinématographique que l’auteur décrit paysages, personnages, coutumes ou scènes d’action : pas un détail de ce qui se déroule sous ne yeux ne nous échappe.

Tiric Sherna est un personnage ambivalent : guerrier, il éprouve toutefois des difficultés à occire son prochain – au moins dans un premier temps. Shao, il comprend tout de même les problèmes, espoirs ou craintes de l’ennemi Qivhvien. Du côté de ce peuple, Karzhoa nuance tout à fait l’impression détestable que ses compatriotes avaient initialement laissée : en bref, l’auteur s’affranchit d’un manichéisme sommaire pour proposer des personnages complexes, au premier rang desquels le narrateur, Tiric Sherna, dont on ignore ni les valeurs, ni les contradictions – qui apparaissent notamment sur la fin, laissant le lecteur sur des charbons ardents. À noter que le second tome, consacré au second personnage principal, Kardelj Abaskar, devrait venir nuancer une grande partie de ce qui a été montré dans le premier tome, ce qui promet de très intéressants développements !
Si l’ensemble est plein de suspens et très bien mené, malgré quelques passages assez prévisibles, on regrettera la fin très abrupte : en quelques pages à peine, la quête de Tiric est soldée, le personnage embarqué par son destin, et la donne modifiée du tout au tout. C’est sombre, c’est surprenant, mais c’est vite expédié, et c’est un peu dommage, car une telle fin laisse le lecteur tellement pantois qu’il aurait apprécié un épilogue un peu plus développé ! Quoi qu’il en soit, tout cela est du meilleur augure pour le second volet de ce diptyque.

Si L’Histoire de Tiric Sherna ne révolutionne pas le genre, et s’avère même parfois un peu trop prévisible pour le lecteur féru de fantasy, on passe néanmoins un très bon moment aux côtés de ces esclaves en quête de liberté pour eux et leur nation. L’univers est d’une richesse incroyable, et on a l’impression de plonger dans un monde dont aucun détail n’a été négligé – à ce titre, le lexique en fin d’ouvrage est une véritable mine d’informations. Toute la réflexion sur l’acceptation de l’autre, que l’on peut lire en creux, ne manque pas d’intérêt, et est bien mise en valeur par le récit. Le style de l’auteur rend l’intrigue aussi fluide que visuelle, et le roman se lit quasiment d’une seule traite. La fin, pleine de suspens, laisse le lecteur avec une foultitude de questions, et promet une suite palpitante : affaire à suivre, donc !

Histoire de Tiric Sherna, Le Sabre de Sang tome 1, Thomas Geha. Folio SF, 2014.

Par Oihana

A propos Oihana 711 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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