Lune et l’Ombre : Fuir Malco, Charlotte Bousquet.

Charlotte Bousquet est une auteur aux multiples facettes. Philosophe de formation, passionnée par l’histoire et la mythologie, les contes et le fantastique, elle publie aussi bien des nouvelles et des romans que des articles universitaires, et s’adresse tant à un jeune lectorat qu’à des lecteurs plus âgés. Elle a publié les titres remarqués de La Marque de la bête (une relecture audacieuse du conte de Peau d’âne), trois volumes dans le cycle des Numinées (dont le troisième a reçu le prix Imaginales 2011 du meilleur roman et de la meilleure illustration), ou encore Le Dernier ours, un polar écologique jeunesse. Son dernier titre en date, Fuir Malco, ouvre la trilogie Lune et l’Ombre, destinée à la jeunesse, qui explorera peinture et univers fantastiques.

Lune a 13 ans. Lune voit en noir et blanc. Depuis quelques temps, les couleurs lui échappent, et plongent son quotidien dans un gris presque uniforme et personne ne sait ni ne trouve d’où cela vient. Cela a commencé quand le nouveau compagnon de sa mère, Malco, s’est installé chez elle. Or les choses ne semblent pas s’arranger car, peu à peu, ses autres sens lui échappent également. La plupart des gens pense que Lune n’est qu’une petite capricieuse. Surtout Malco. Lune est terrifiée par sa grosse voix, ses manières de rustre, sa façon de s’accaparer sa mère, et surtout les ombres qui traînent autour de lui et qu’elle semble être la seule à percevoir. Lune sait que Malco est dangereux.

La Llamada, Remedios Varo, 1961
La Llamada, Remedios Varo, 1961

Un jour, chez le médecin, les yeux de Lune accrochent un prospectus parlant d’une exposition sur les femmes peintres des XIXe et XXe siècles, au musée Marmottan. Ce n’est pas tellement que le sujet passionne Lune, bien qu’elle peigne elle-même. Non, ce qui l’attire, c’est le tableau qui décore le prospectus : La Llamada, de Remedios Varo. Un tableau surréaliste, puissant, hypnotique.
Un tableau que Lune voit en couleurs. Et quelles couleurs !

Persuadée que des réponses l’attendent au musée Marmottan, Lune décide d’aller à Paris. Mais une ombre malveillante semble s’attacher à ses pas, et Lune est persuadée que Malco, le sombre compagnon de sa mère l’a suivie jusqu’à Paris… avec des intentions malhonnêtes. La traque est lancée, et c’est un étonnant voyage qui attend Lune : alors qu’elle visite l’exposition sur les femmes peintres, et qu’elle cherche un endroit où se cacher des ombres qui rôdent… Lune bascule dans un tableau, et se retrouve en plein marché aux chevaux.

Marché aux chevaux, Rosa Bonheur, 1853.
Marché aux chevaux, Rosa Bonheur, 1853.

Ce premier tome de la trilogie Lune et l’Ombre embarque son lecteur avec une grande efficacité : on s’attache à Lune, on s’interroge avec elle, et on tremble de concert. Le volume porte bien son titre car il sera essentiellement question de la fuite en avant de Lune, tentant de se défaire de l’emprise de son maléfique beau-père. De tableau en tableau, on découvre en plus un pan de l’histoire de la peinture : à ce titre, les notes en fin d’ouvrage invitent à la découverte (peut-être en attendant le volume suivant?). S’il est vrai que l’intrigue peut sembler tourner un peu en rond dans ce premier volume (avec la répétition du schéma de fuite à travers le tableau), le tome colle tout à fait au titre et illustre magistralement une vérité simple et efficace : il ne suffit pas de fuir ses peurs pour les vaincre. La fin, donc, relance l’intérêt du lecteur pour l’intrigue, car on se demande comment l’auteur va tourner tout cela dans la suite.

Bien que la série soit clairement destinée à un public assez jeune, on retrouve le style riche, fluide et aérien des œuvres pour adultes de Charlotte Bousquet : c’est extrêmement bien écrit, parfois poétique, toujours onirique. Mêlant au fantastique des accents de roman initiatique et des marques de conte, l’auteur livre une fiction originale, bien écrite et assez prenante car on souhaite évidemment savoir d’où Lune tient ses pouvoirs, et comment elle va se sortir du pétrin dans lequel elle est.

Cette nouvelle série de Charlotte Bousquet démarre donc sous de bons auspices : un roman qu’on lit sans peine, avec l’impatience de connaître la suite, qui présente une héroïne attachante et une intrigue pour le moins originale, permettant en plus de découvrir l’histoire de la peinture via le récit fantastique. L’aspect un peu répétitif de l’histoire est rapidement gommé par toutes les questions posées par cette mise en bouche, et les révélations faites dans le volume. En somme, il ne reste qu’à s’armer de patience avant de lire la suite, l’année prochaine, ou à visiter quelques musées pour prolonger les aventures de Lune !

Lune et l’Ombre, tome 1 : Fuir Malco, Charlotte Bousquet. Gulf Stream, mai 2014.

Pour aller plus loin, on vous conseille La Chasseuse d’astres.

Par Oihana

A propos Oihana 711 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

2 Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.