Une histoire de famille canadienne nous est promise, une famille à la fin des années 60. Les Cartwright forment une bien étrange maisonnée. Megan, la fille unique d’une fratrie de huit a toujours mis sa vie en quarantaine pour aider à la bonne tenue de la maison et pour soulager sa mère qui s’affaiblit à chaque nouvelle naissance. Mary Lawson donne à dessein l’impression que nous ne sommes qu’au début du vingtième siècle et souligne ainsi la bizarrerie de cette famille. Pourtant, lorsque Megan annonce son départ pour Londres, son père l’encourage, lui paie le billet. Les Cartwright ne sont pas pauvres, ils vivent simplement et s’adaptent aux malheurs qui les ont frappés successivement et sans relâche.
Le Canada est un pays qui fait rêver beaucoup de voyageurs, réputé pour son accueil hors pair et ses paysages à couper le souffle. Le Canada est aussi le pays du froid, des hivers qui s’allongent et mordent littéralement toute forme de vie. A travers la voix d’Edward, le père et de Tom, le fils aîné, il est temps de mesurer que vivre dans ce pays c’est supporter six mois d’une neige qui brille autant qu’elle brûle, six mois avec peu de lumière solaire, six mois d’isolement dans des petites villes du nord de l’Amérique. Toutefois, de Londres où la vie est à l’opposé des grandes plaines canadiennes, Megan illustre la difficulté à s’exiler, à se faire sa place dans un pays qui n’est pas le sien et, touche d’espoir, la possibilité de s’y construire un avenir.
Pages après pages, les témoignages d’Edward, de Tom et de Megan nous attachent à cette famille à la dérive. Nous comprenons mieux ce vide que la jeune femme a laissé et l’état de délabrement du logement autant que du coeur de ses habitants. Ce départ qui a créé ou révélé une véritable faille a été salutaire pour tous. Personne ne peut se reposer uniquement sur les autres, il faut pouvoir compter sur soi. Voici le premier message douloureux parfois, que l’auteur nous envoie. Mais elle ne laisse pas le lecteur dans cette obscure sensation de noyade, elle nous convainc qu’en nous débattant, nous serons acteurs de nos vies. A travers les Cartwright, leurs ascendants, leurs descendants, nous vivons quelques hivers dans la réalité d’un pays qui connaît aussi des difficultés et dans le quotidien d’une famille, somme toute ordinaire.
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