Un roman du déracinement : Longues distances

Longues distances, Jhumpa Lahiri

ROMAN AMÉRICAIN — Autant vous le dire tout de suite, et sans détour : nous avons eu le coup de cœur pour Longues distances, vaste fresque politico-sociale signée par Jhumpa Lahiri, lauréate du prix Pulitzer. Ce roman ambitieux, qui court sur plus de quatre cents pages et près d’un demi-siècle, nous montre l’évolution de l’Inde, de son indépendance obtenue en 1947 à nos jours, à travers le prisme de l’existence de Subhash et Udayan, deux frères de la classe moyenne. Nés dans les années 40, les frères sont souvent pris – à tort – pour des jumeaux tant leur ressemblance physique et leur complicité sont grandes. En réalité, un peu plus d’un an les sépare. Mais ce n’est pas la seule dissemblance.

L’aîné, Subhash est aussi raisonnable et aussi pondéré que le cadet est passionné et audacieux. Quand Subhash décide de passer son doctorat en Amérique, dans l’état du Rhode Island, Udayan, lui, devient professeur dans un lycée technique, œuvrant en secret en faveur d’une révolution populaire. Tandis que, dans le Rhode Island, sur un campus universitaire, Subhash s’adonne à ses études, Udayan, lui, sombre peu à peu dans l’extrémisme. Le fragile équilibre du récit bascule lorsqu’Udayan est tué. Subhash doit alors retourner à Calcutta, où il fait connaissance avec la veuve de son frère, Gauri, qu’il emmènera plus tard en Amérique.

C’est un grand roman que nous livre Jhumpa Lahiri : très documenté, sans perdre pour autant sa dimension romanesque, Longues distances nous entraîne des rues tortueuses de Calcutta aux campus de la Nouvelle-Angleterre, où nous suivons nos personnages dans le chaos de leurs vies.  Difficile de ne pas être touché en plein cœur par la tragédie qui frappe les protagonistes : le deuil et les regrets sont au centre du roman. Des années après sa mort, Udayan hante toujours les proches qui lui survivent. On est ému par sa mère qui, à la limite de la démence, continue à entretenir la stèle qui commémore la mémoire de son fils, par sa veuve qui le pleurera toute sa vie…

A distance de ses parents, Subhash essaie de se construire une vie sans son frère : pourtant, celui-ci sera présent à chacune des étapes de sa vie. Etre en Inde est devenu trop douloureux pour lui. C’est une nouvelle vie qui commence aux Etats-Unis. Jhumpa Lahiri décrit aussi bien l’activité et la chaleur de Calcutta que le charme discret et élégant des côtes de la Nouvelle-Angleterre. L’exil, et le déracinement, sont bien sûr des thèmes très importants du roman. Peu à peu, Subhash et sa nouvelle femme vont s’américaniser, au point de finir par considérer l’Inde comme un ailleurs lointain. Il ne sera pas toujours facile de se faire à un nouveau pays…

Nous avons été totalement conquis par ce roman aux accents tragiques, qui nous tient en haleine de bout en bout et nous bouleverse. On referme Longues distances le cœur serré, avec le sentiment d’avoir lu un grand, grand, grand roman.

Longues distances, Jhumpa Lahiri. Robert Laffont, 2015. Traduit de l’anglais par Annick Le Goyat.

Si vous avez aimé Longues distances, vous aimerez sûrement L’Atlas des inconnus.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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