Mille et une choses peuvent gâcher vos vacances quand vous décidez de les passer dans les Keys, en Floride : le temps lourd et pesant, les moustiques, les tempêtes tropicales… Les Mayberry, eux, ont fait dans l’originalité : ce qui trouble la fête, c’est le bras humain qu’ils ont repêché lors d’une virée en mer… Sympathique.
Ce bras humain, personne n’en veut et il embête bien son monde, en particulier le shérif local, qui trouve que ce n’est pas très bon pour son image publique… et l’homme, ambitieux, compte bien évoluer en politique ! Pour se débarrasser de ce déchet encombrant, il missionne Andrew Yancy, inspecteur sur la sellette, pour qu’il le refourgue aux autorités de Miami, ni vu ni connu. Mais rien ne va se passer comme prévu : la morgue de Miami n’en veut pas, et Yancy, déclassé à « la brigade des cafards », qui doit le conserver dans sa glacière, saisit l’occasion pour enquêter, dans le but de réintégrer son service avec les honneurs.
Yancy décide donc de mener sa propre enquête, loin des sentiers battus, et de manière pas très très légale, n’hésitant pas à se mettre en danger. Il va rencontrer la veuve du défunt, ainsi que sa fille, cette dernière étant persuadée que sa belle-mère a liquidé son époux pour toucher sa généreuse assurance-vie. Les recherches de Yancy vont le mener aux Bahamas, sur l’île d’Andros, dans une zone de non-droit où se trament de mystérieuses choses… Il rencontrera ainsi un Bahamien bien déterminé à récupérer son terrain, aux mains d’un promoteur immobilier, une reine vaudou nymphomane, une brute qui porte le nom étrange d' »Egg » (œuf en anglais !) et surtout, un singe particulièrement irritable qui aurait joué aux côtés de Johnny Depp…
Mauvais coucheur nous transporte dans l’atmosphère poisseuse et crapuleuse des Keys, puis des Bahamas, dans un microcosme où le touriste est roi (mais le roi des pigeons !), et où tout est fait pour le faire casquer. Les locaux semblent prêts à tout pour obtenir leur part du gâteau. La corruption et l’intimidation sont des pratiques courantes et Yancy, flic intègre au sang chaud, peine à faire respecter la loi. Ses ennuis commencent dès la maison de son voisin, véritable cauchemar visuel pour Yancy, à la hauteur illégale, privilège acheté à coup de pots-de-vin. La guéguerre que mène Yancy à Evan Shook, son voisin, n’est qu’un des nombreux ressorts comiques utilisés par Carl Hiaasen.
Car au-delà de l’enquête… qu’est-ce qu’on se marre aux côté de Yancy, ce policier délicieusement pragmatique, à la répartie brillante, qui se retrouve en permanence dans des situations impossibles ! Ses mésaventures sont désopilantes et Carl Hiaasen sait toujours où et quand placer la réplique et le commentaire qui font mouche. Ses visites dans les restaurants touristiques des Keys, à la recherche de cafards et de rats, sont épiques, Yancy prenant sa nouvelle affectation comme une véritable croisade contre la crasse et les insectes. De ce point de vue, Mauvais coucheur est un récit hautement réjouissant.
A côté de cela, il y a l’enquête : bien menée, elle nous plonge dans le Miami corrompu, véritable royaume de l’arnaque, où l’illégalité semble presque la norme. Les attractions touristiques, les restaurants, les moyens de transports semblent tous gangrenés par la corruption. Par la superstition, aussi. A Miami et aux Bahamas, tout s’achète, des services de pilleurs de tombe à un passage de frontière illégal, en passant par un acte vaudou ou deux. A Miami, dans les Keys, et dans les Bahamas, on est aussi bien prêt à sacrifier la nature sur l’autel du tourisme que se débarrasser d’un témoin gênant…
Grâce à son style enlevé et hilarant, Carl Hiaasen transcende le genre du polar et réussit à nous livrer un récit drôle, à l’atmosphère très visuelle, et au héros comme on devrait en faire plus. Mention spéciale pour le capucin qui orne la couverture du livre, une petite bête irascible qui perd ses poils et porte une couche et aime agresser les passants. Voilà également un personnage comme on en fait peu !
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