NEW YORK — Après une légère pause pour cause de mariage, justement, The American Break est de retour avec un roman de circonstance, Les Jeunes Mariés.
Au Bangladesh, les parents d’Amina veulent le meilleur pour leur fille unique, même si cela implique de l’envoyer à des milliers de kilomètres de chez eux. Aussi, lorsque la jeune femme s’inscrit sur le site « AsianEuro » qui met en relation de jeunes Asiatiques avec de riches Américains et Européens à des vues matrimoniales, ses parents la soutiennent de tout cœur : avoir une fille aux Etats-Unis, c’est l’assurance qu’elle vivra mieux qu’eux-mêmes au Bangladesh.
Sur ce site, Amina rencontre George, un ingénieur américain de trente-cinq ans, dont elle s’éprend et qu’elle épouse. La jeune femme s’installe avec lui dans l’état de New York, dans un petit pavillon de banlieue, prête à vivre son rêve américain. En effet, Amina a un plan bien rôdé : dès qu’elle pourra obtenir la nationalité américaine, en sa qualité d’épouse d’un citoyen américain, elle fera venir ses parents du Bangladesh pour les installer chez eux. Après tout, leur maison a bien assez de pièces ! Mais George, lui, n’a pas grandi dans un pays où il est habituel de vivre à plusieurs générations sous le même toit. Ce n’est que la première des nombreuses petites incompréhensions qui minent peu à peu leur couple…
Pourtant, George est un chic type, véritablement désireux d’aider sa jeune épouse à s’intégrer. Pour elle, il est même prêt à se convertir à sa religion… mais pas à lui dire toute la vérité sur son passé. Il est plus simple de faire l’impasse sur certaines choses que de devoir les expliquer à quelqu’un qui vient du bout du monde… Le lecteur suit donc l’adaptation progressive d’Amina à la vie américaine : il sourit de ses petites fautes de langage, s’indigne avec elle des préjugés de la tante de George (qui peine ainsi à comprendre pourquoi la jeune femme ne mange pas de porc…), et partage avec la jeune femme ses interrogations sur l’American Way of Life.
Nell Freudenberger nous invite à vivre l’envers de l’American Dream de l’intérieur, à travers un personnage qui attendait énormément de son arrivée aux Etats-Unis : une vie meilleure, et un statut social. En devenant américaine, Amina a le sentiment d’avoir réussi sa vie. Lors de son retour au pays, armée du précieux passeport bleu foncé, elle a l’impression d’être devenue une de ces étrangères qu’elle regardait autrefois avec envie. La bague à son doigt, et le fait d’avoir un époux américain, ingénieur de surcroît, font office de caution sociale. Mais la vie aux Etats-Unis n’est pas toujours synonyme d’abondance et de prospérité : la crise économique va frapper de plein fouet le pays. George perd son emploi, et la perspective de devoir vendre leur jolie maison se dessine. Amina a honte de la situation, est tentée de le dissimuler à leurs proches et s’inquiète de l’avenir. Mais, au fond, c’est toujours mieux que la vie de misère qui l’attendait dans son pays. Ses parents n’ont pas d’argent. Son père se laisse régulièrement berner et investit dans des affaires bancales, où il perd tout. Quand la jeune fille évoque son passé, elle décrit les déménagements successifs faute d’argent pour payer le loyer, l’école qu’elle a dû arrêter aux portes de l’adolescence, malgré un esprit très vif et un goût pour l’étude. Les Etats-Unis, même en récession, restent une terre promise aux yeux de la jeune femme.
Est-elle heureuse, au fond ? Nell Freudenberger a su éviter le piège du manichéisme : le couple d’Amina et de George connaît des hauts et des bas. Ce n’est pas qu’un mariage arrangé, Amina et George sont tombés sous le charme l’un de l’autre, mais le lecteur découvre que cet amour est fragile, que des attachements antérieurs continuent à plomber leur union. Le lecteur suit l’évolution de leur histoire avec beaucoup d’intérêt : il a le cœur serré quand le couple se déchire, sourit quand il fait des projets d’avenir.
Nell Freudenberger nous livre donc un roman matrimonial très réussi, que vous aimerez sans aucun doute si vous avez apprécié Longues distances !
Les Jeunes Mariés, Nell Freudenberger. Quai Voltaire, 2014. Traduit de l’anglais par Sabine Porte.
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