«Julio Popper, s’il avait été espagnol et était né quelques siècles plus tôt, aurait fait un formidable conquistador. Il ne fait aucun doute qu’il était de la trempe de ceux qui font la conquête de pays entiers, qui bâtissent des empires. Il pensait vite et juste, il mettait en pratique. Il voyait grand, il fourmillait d’idées, rien ne l’arrêtait. Il se plaisait à ridiculiser ses ennemis. Il n’avait peur de rien ni personne, il aimait en découdre.»
Né à Bucarest en 1857, Julio Popper s’est passionné très tôt pour la géographie, les mathématiques, les sciences naturelles. Habitant en Amérique du Sud, ce touche-à-tout fait fortune en Argentine, avec l’or qu’il extraie en Patagonie – un endroit où il était censé ne rien trouver. La vie de Julio Popper a été épique, héroïque, pleine de surprises – sa mort n’a d’ailleurs toujours pas été élucidée ! Alexis Nolent, alias Matz (au scénario) et Léonard Chemineau (au dessin et couleurs) s’emparent de ce personnage quasi légendaire pour une bande-dessinée de rentrée chez Rue de Sèvres.
La bande-dessinée est divisée en trois chapitres (plus un épilogue) évoquant l’arrivée de Julio Popper en Amérique et ses nombreux voyages (rapidement résumés) puis ses projets (un peu fous !) en Argentine (plus précisément en Patagonie), jusqu’à la fin de sa vie.
Sur Julio Popper, on a beaucoup écrit, notamment qu’il avait massacré les populations locales d’Indiens (ses détracteurs étaient friands de cette théorie). Ici, Matz et Chemineau dépeignent un personnage plus humaniste, proche de ses hommes et des gens qu’il croise. Ceci étant dit, Julio Popper, dans toute sa rigueur, peut également se montrer extrêmement rigoureux, voire un tantinet intransigeant, en témoigne la façon dont il protège son exploitation, ses employés, ses inventions. Le récit est assez équilibré : on passe de scènes d’aventures et d’actions trépidantes à des passages nettement plus calmes et politiques, montrant Popper en train de préparer ses expéditions, cherchant ses financements, ou réfléchissant à ses plans d’avenir. Le découpage choisi est très dynamique et induit du suspens dans toutes les séquences, on ne s’ennuie donc pas avec la vie de Julio Popper, dont le récit est fluide à souhait.
On suit son cheminement et on comprend comment il en est arrivé à diffuser sa propre monnaie sur son territoire – au grand déplaisir de son gouvernement de tutelle. Le dossier en fin d’ouvrage, par ailleurs, permet d’en apprendre un peu plus sur ce personnage décidément hors du commun.
Mais dès qu’on ouvre la bande-dessinée, c’est le dessin qui attire l’œil. Plans larges, détails soignés, dessins très réalistes, mise en couleur sublime, difficile de résister à ces superbes graphismes et particulièrement adaptés à ce récit d’aventure qui fait la part belle aux paysages argentins.
Julio Popper : le dernier roi de Terre de feu est donc une très belle biographie romancée sous forme de bande-dessinée, pour petits et grands, dressant un portrait très réussi du fameux – et très controversé – Julio Popper.
Julio Popper : le dernier roi de Terre de feu, Matz (scénario) & Chemineau (dessin et couleurs). Rue de Sèvres, 16 septembre 2015.
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