ROMAN COURT — Lois Lowry a été photographe, journaliste indépendante et a écrit de très nombreux livres et romans destinés à la jeunesse, dont Le Passeur, récemment adapté au cinéma. Elle fait partie des cinq auteurs à avoir reçu deux fois la médaille Newbery, qui récompense le meilleur livre pour enfants américain. Ses textes, profonds et sensibles, peuvent être lus à tout âge et Passeuse de rêves ne fait pas exception à la règle.
Petite est toute nouvelle, mais elle est très douée. En effleurant de ses doigts à peine visibles le bouton cousu sur un pull, elle capte l’histoire de ce bouton : un pique-nique sur une colline, une soirée au coin du feu, et même la fois où on lui a renversé dessus du thé… Bientôt, Petite est capable de combiner ces fragments de souvenirs avec les autres souvenirs collectés dans les demeures humaines : photo, assiette, tapis, bibelots… Combiner les fragments lui permet d’insuffler des rêves très doux aux humains. Toutes les nuits, sous la houlette de Vieux et Mince, Petite s’entraîne à devenir passeuse de rêves dans la maison d’une vieille femme vivant avec un chien. Mais une nuit, la formation de Petite s’accélère brutalement : la vieille femme accueille un petit garçon qui lui est confié par les services sociaux. John est très jeune mais empreint d’une immense colère. Une colère tellement puissante qu’elle attire l’attention des Saboteurs, ces maîtres des cauchemars qui rôdent dans les lisières. Vieux et Mince ne semble guère rassuré : seront-ils suffisamment forts pour résister aux Saboteurs et à leur entreprise malveillante ?
Passeuse de rêves est un roman extrêmement court : à peine plus 150 pages ! Et pourtant, Lois Lowry parvient, en quelques courts chapitres, à installer une ambiance, une intrigue et une très belle histoire humaine. L’explication de l’origine des rêves qu’elle donne est aussi originale que touchante. Nuit après nuit, on suit l’apprentissage de Petite : on s’amuse de ses élans d’enthousiasme vite réprimés par Tatillonne – sa première formatrice -, on s’émeut de ses volontés de bien faire, on s’interroge – comme elle ! – sur la nature des passeurs de rêve et on s’inquiète, évidemment, de l’évolution des vies de la vieille dame, du chien et de John. Dans un premier temps, on suit essentiellement les efforts de Petite dans son travail. Petite est vive, enthousiaste, très bavarde et fait preuve de toute la vivacité d’esprit d’un enfant espiègle. Il n’est donc pas difficile de s’attacher à la très jeune passeuse.
Arrive ensuite John dans la maison et le roman bascule dans une autre dimension. En effet, John a vécu des choses assez dures pour un petit garçon et lui insuffler de beaux rêves est assez difficile. Il se montre insolent, désobéissant et assez désagréable avec la vieille dame : leur sommeil à tous deux s’en ressent. De plus, les Saboteurs arrivent bien vite pour leur faire faire de terribles cauchemars. Peu à peu, les nuits enchantées sont entachées par l’horreur, celle de l’entreprise des Saboteurs, ou celle de la vie de John, dont des bribes parsèment le récit. Jusqu’au bout, Lois Lowry joue avec cet entre-deux et maintient un équilibre parfait.
Au fil des pages, Petite, comme John, font l’apprentissage de la vie ; sans que le garçon le sache, un lien se tisse entre lui et sa petite gardienne des rêves : l’histoire est volontiers touchante et peut parler aussi bien à des enfants qu’à des adultes. Voilà donc un titre que l’on recommande chaudement à tous !
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