CINÉMA — Grave est l’extraordinaire premier long-métrage de la réalisatrice et scénariste française Julia Ducournau, et un examen de la féminité, du réveil sexuel et du lien fraternel.
Grave nous raconte l’histoire de Justine (incarnée par Garance Marillier) qui arrive à l’université pour devenir vétérinaire comme le reste de sa famille. C’est une végétarienne convaincue, une autre qualité qui définit sa famille, mais ses convictions alimentaires l’ont immédiatement mise dans une situation délicate. Lors du rituel d’entrée dans son école vétérinaire où sa sœur aînée Alexia (joué par Ella Rumpf) étudie également, les anciens l’obligent à consommer des reins de lapin. Traumatisée par cette cérémonie, Justine découvre également que sa soeur est maintenant un consommatrice enthousiaste de viande.
Consommer de la viande met Justine dans un état second. Elle développe une éruption cutanée des plus étranges qui la démange sur une grande partie du corps. Elle développe par la même occasion un goût pour la chair qu’elle ne semble pas contrôler et sa faim commence à dicter ses actes, la rendant de plus en plus instable et dangereuse. Sa sœur Alexia semble l’encourager dans cette transformation.
C’est finalement la chair humaine qui va attirer notre héroïne dans une scène grandiose qui tourne autour d’un accident avec des ciseaux, qui s’avère aussi choquant que comique. La question est de savoir jusqu’où Justine ira pour satisfaire son nouvel appétit… Nous sommes, rappelons-le, dans une école pleine d’étudiants, un véritable garde-manger potentiel, ce qui pourrait annoncer un vrai carnage, mais le scénario de Julia Ducournau s’intéresse plus à explorer la transformation mentale et physique qui peut se produire lorsque l’on se retrouve dans une situation aussi stressante.
En parallèlee, une partie substantielle du film est dédiée aux rituels de bizutage dégradants et humiliants que les étudiants « aînés » font passer aux « débutants ». La nature sexualisée de ces activités est une composante essentielle du film et quelque chose avec laquelle Justine lutte initialement. Au début du film, ses parents se préoccupent d’elle parce qu’elle est timide et introvertie. Ses premières soirées indiquent également qu’elle est sexuellement inexpérimentée. La faim de Justine pour la viande augmentant, il en est de même de ses autres pulsions. Lorsque la faim pour le sexe et la viande s’entremêlent enfin, le résultat nous donne l’une des scènes de sexe les plus inconfortables et anxiogènes du film.
Il y a bien des surprises dans le scénario bien rythmé et perspicace de Julia Ducournau, qui rend hommage à des classiques comme Carrie et La Nuit des morts-vivants, car elle transforme les pulsions sexuelles inexprimées de Justine en appétit pour la chair humaine ou animale. Mais l’intérêt réel de Grave est de savoir comment le réalisateur gère la relation fraternelle entre Justine et sa sœur aînée. Une relation compliquée qui nourrira l’intrigue avec brio. Julia Ducournau semble savoir où elle va à tout moment, gardant le spectateur en haleine tout en utilisant un éventail de techniques stylistiques tel que le ralenti et les plans séquences, ne lâchant rien jusqu’à la scène finale spirituelle et inévitablement terrifiante.
C’est l’un des films les plus surprenants, qui devrait être particulièrement attrayant pour les spectateurs qui apprécient la touche française d’horreur extrême. Inutile par ailleurs de s’attarder sur les faits divers de membres du public s’évanouissant pendant le film… Délectez-vous plutôt de la beauté singulière de son contenu !
Soyez le premier à commenter