TEXAS — Souvenez-vous : l’année dernière, j’étais tombée sous le charme de Calpurnia, l’héroïne du récit de Jacqueline Kelly. Comment ne pas être touchée par cette pré-adolescente curieuse et ambitieuse, qui, pour son malheur, est née à la fin du XIXe siècle au Texas ?
Pour son malheur, oui. Car si Calpurnia est brillante, et attirée par les sciences et la recherche, ses parents, eux, voient d’un mauvais oeil ce goût prononcé pour les études. Aussi, quand Calpurnia espère entrer à l’université et devenir peut-être vétérinaire, sa mère, elle, songe plutôt à son avenir prochain d’épouse et de mère. Difficile de ne pas partager le profond sentiment d’injustice que ressent Calpurnia quand, en plus de cela, on envisage de faire de son cadet Travis un vétérinaire. Travis qui adore les animaux, mais qui tourne de l’oeil à la moindre goutte de sang… En attendant, Calpurnia ronge son frein et continue à prendre des leçons avec son incroyable grand-père, scientifique passionné, et bien plus moderne que les parents de la jeune fille. Son allié en toutes choses. Quant au quotidien, il prend un tournant bien original quand la cousine de Calpurnia vient s’installer chez eux après que sa maison ait été ravagée par un ouragan, et quand un vétérinaire arrive en ville… La vie des Tate n’est pas de tout repos !
On retrouve avec joie l’impertinente Calpurnia, toujours plus révoltée. À la fin du premier tome, la famille Tate avait assisté au passage à l’an 1900. Nouveau siècle, nouvelles moeurs, nouvelles perspectives pour les filles ? C’est ce que Calpurnia et le lecteur aimeraient croire, mais malheureusement, les mentalités restent tout aussi figées. Qu’il est difficile d’être l’unique fille d’une famille de sept enfants, la seule obligée de brider ses perspectives d’avenir et de songer trousseau, leçons de piano et couture au lieu d’envisager une carrière… C’est par bien des aspects un roman féministe. Le lecteur n’a qu’une envie : que Calpurnia puisse enfin réaliser ses rêves, et obtenir tout le respect qu’elle mérite. Ah Calpurnia, si tu étais adolescente en 2017, que de choses tu pourrais accomplir !
Au coeur du récit, on trouve toujours l’incroyable et touchante relation qu’entretient la jeune héroïne avec son grand-père, archétype même du Papi bienveillant, bien qu’un peu bourru. On aime toujours autant ce personnage ! Mais le roman se concentre aussi sur le lien entre Calpurnia et sa fratrie, et tout particulièrement Travis, qui s’invite ici dans le titre du roman. Travis est le petit frère de Calpurnia, il est doux, sensible, profondément attaché aux animaux. Comme Calpurnia, il fait lever les yeux au ciel au reste de la famille, car il est incapable de « s’endurcir ». On se souvient que l’année passée, chargé d’élever les dindes pour Thanksgiving, il s’était profondément attaché à elle, obligeant Calpurnia à trouver un stratagème pour lui éviter de trop souffrir. Les deux enfants se soutiennent, et son rôle de grande soeur tient visiblement beaucoup à coeur à notre héroïne, qui essaie de l’aider, et cache ses nombreuses bêtises (du genre adopter un raton laveur). Calpurnia se heurte en revanche à son aîné Lamar, véritable petite frappe misogyne et mesquine qu’on adore détester.
Voilà donc un univers qu’on est ravi de retrouver. Si ce deuxième tome est un cran en dessous de l’excellent premier volume des aventures de Calpurnia, on aime retrouver cette adolescente passionnée par la science et l’étude du vivant, née malheureusement à la mauvaise époque…
Calpurnia et Travis, Jacqueline Kelly. L’école des loisirs, juin 2017. Traduit de l’anglais par Dominique Kugler.
Comme toi, je l’ai trouvé un cran en-dessous du premier opus. Mais quel plaisir de retrouver Calpurnia et de s’enrager avec elle contre cette société qui ne veut pas lui laisser la place qu’elle mérite !