MÉMOIRES — À l’occasion des vingt ans de la parution des mémoires de Frank McCourt, Belfond propose une réédition des Cendres d’Angela, agrémenté d’une préface de Colum McCann. Ce fut l’occasion pour nous de découvrir un texte célèbre, devenu culte, sur une enfance irlandaise dans les années 30 et 40.
Les Cendres d’Angela, ce sont les mémoires de Frank McCourt, un écrivain et professeur américain d’origine irlandaise, qui a vu son récit récompensé par le prix Pulitzer en 1997. C’est devenu au fil des années un véritable classique, une peinture sans concession de la vie dans l’Irlande du sud à l’époque d’une crise mondiale. Car oui, si la quatrième de couverture promet des mémoires « drôles », et « tendres », on ne peut pas dire que cette enfance irlandaise ait été insouciante, ou même heureuse. Le récit de Frank McCourt est même souvent franchement triste. Penchons-nous un peu sur son histoire.
Frank est né en 1930 à Brooklyn. Au moment de sa conception, ses parents n’étaient pas mariés, et n’étaient pas en Amérique depuis très longtemps. Son arrivée a précipité leur union, et en quelques années, plusieurs frères et soeurs lui sont venus. Mais comme le dit Frank McCourt dès le tout premier paragraphe : la vie new-yorkaise ne fut qu’une parenthèse pour les époux McCourt, et la mort vient lui ôter sa petite soeur dès sa petite enfance. Terrible déclencheur du retour en Irlande, ce décès n’est malheureusement pas le dernier qui afflige la famille McCourt, et au fil du récit, dès qu’une nouvelle mort s’annonce, le lecteur ne peut retenir un « oh non… pas encore » complètement déprimé. Terrible de se dire que tout est vrai : Angela, la mère de Frank, qui donne son nom au récit, a vécu des moments vraiment difficiles, et c’est un euphémisme !
Les époux McCourt n’auraient pas dû retourner en Irlande. Si la crise frappait alors de plein fouet les États-Unis, c’était pire au vieux pays. Frank grandit dès lors de taudis en taudis, qu’il brosse avec des descriptions précises et douloureuses : le lit infesté de puces qu’il partage avec sa fratrie, l’âtre qu’on peine à entretenir faute de charbon, les vieux paletots en guise de couverture, et les toilettes communes immondes qu’il faut partager avec toute la ruelle… La faim, le froid et l’humidité sont des éléments récurrents de son enfance : nombreuses sont les fois où c’est la mendicité ou le vol qui leur permet de manger un peu de pain et de thé, où ce sont les virées le long du chemin de fer pour ramasser du charbon tombé des trains qui leur assurent un peu de chaleur. Car, pour leur grand malheur, le père McCourt est un ivrogne invétéré. Irlandais du nord exilé au sud, où il ne rencontre que mépris, il peine à trouver (puis à garder) un emploi stable, et dès qu’il touche le chômage, il le boit. Triste tableau qu’Angela, écumant les bars à la recherche de son mari, espérant pouvoir préserver quelques pièces pour pouvoir nourrir ses enfants…
Une mère pragmatique, obligée de frapper à toutes les portes pour maintenir sa famille, vidée de sa substance par les naissances à répétition et les décès, et un père qui, s’il n’est pas méchant et s’il aime sincèrement ses enfants, est un alcoolique irresponsable qui les néglige. Des taudis, froids et humides, envahis par la pluie l’hiver, par les mauvaises odeurs et les mouches l’été. Une faim constante. Des maîtres parfois violents. Et la peur perpétuelle du péché éternel, de la damnation, l’emprise totale de l’église catholique. Voilà en substance l’enfance de Frank McCourt, qui se raconte avec beaucoup d’honnêteté, et un style résolument efficace. Pour le jeune Frank, le salut tient en un mot : Amérique. Dès l’enfance, il sait qu’il retournera dans le pays qui l’a vu naître. Là bas, il pourra devenir quelqu’un. Et c’est ce qu’il raconte effectivement dans C’est comment l’Amérique ?, suite de son autobiographie, dont nous vous parlerons très bientôt…
J’ai adoré ce livre. C’est vraiment un classique.
Totalement ! Avez-vous lu la suite ?
Non, j’ai pas eu l’occasion. Mais un jour … peut-être !