ON A LU — Vous le savez, les rédacteurs de Café Powell sont de gros lecteurs ! Nous dévorons chaque mois une dizaine de bouquins, et généralement, nous essayons de tout chroniquer. Mais il arrive parfois qu’un livre patiente pendant quelques semaines, voire mois sur la pile des romans sur lesquels nous pensons écrire sans jamais être l’objet d’un article… Parfois par manque de temps, ou d’inspiration, ou parce qu’on n’a pas été franchement séduits… Voici quelques titres que nous avons lus, mais qui ne seront jamais chroniqués à part entière sur le site.
Novembre : rencontre manquée avec le prix Pulitzer de 1935
Salué par tous comme un chef d’oeuvre de la littérature américaine, Novembre a été couronné par le prix Pulitzer dans les années 30, alors que son auteur n’a que vingt-quatre ans. Considéré comme un des piliers de la littérature de la Grande Dépression, Novembre nous plonge dans le quotidien plutôt glauque d’une famille de trois soeurs, qui tutoie la misère, et le drame.
Sur le papier, Novembre avait tout pour me plaire, moi qui suis une grande lectrice de littérature étasunienne. La période historique dont le roman rend compte a été extrêmement fertile pour la littérature. On se souviendra, par exemple, des Raisons de la colère de Steinbeck. Cependant, la lecture de Novembre a été ardue : les choses que le roman conte sont dures, bien sûr, mais le récit est étonnamment distancié : on peine donc à s’identifier aux personnages, et sans cela, on ne fait que survoler leur histoire sans s’y impliquer. Dommage, car la peinture de la vie dans les campagnes américaines pendant la crise des années 30 était réaliste et assez complète, brossée avec un talent de sociologue. Malgré toute la force du récit vantée par l’équipe éditoriale de Belfond, force est de constater que, trois mois après lecture, on se rend compte avoir oublié la grande majorité de l’intrigue, à l’exception d’une scène d’incendie terrible, et du personnage de Kerrin, ambigu et fascinant. Dommage !
par Emily
Novembre, Josephine Johnson. Belfond, mars 2017. Traduit de l’anglais par Odette Micheli.
La Mythologie viking : où est passé le Neil Gaiman que l’on connaît si bien ?
La sortie d’un nouveau roman de Neil Gaiman est toujours un événement. Depuis la lecture de Neverwhere et d’American Gods, je suis de près son actualité. Je ne lis pas tout ce qu’il écrit, mais La Mythologie viking me bottait bien : dans American Gods, j’avais pu voir à quel point Gaiman joue bien avec les divinités, avec les mythes. Aussi, quand il prend la plume pour nous conter les mythes nordiques, cela semblait être une excellente idée, et je l’ai donc acheté avec enthousiasme.
Mais patatras : le résultat est plat, sans saveur. On sent que Gaiman raconte des histoires qui ne sont pas les siennes : il se bride et s’il a toujours bien sûr ce style qu’on aime tant, ses histoires manquent de piquant. Pire : elles deviennent répétitives, et le lecteur décroche peu à peu. Bon. Soyons honnête : il ne faut peut-être pas lire ce livre d’une traite. Peut-être vaut-il mieux picorer ce recueil, lire une nouvelle de-ci, de-là, au gré des envies. Généralement, je n’ai pas cette patience. C’est aussi pour ça que les nouvelles ne sont pas un genre qui me sied. Avec La Mythologie viking, le rendez-vous fut manqué. Dommage. Je crois que je vais plutôt acheter Anansi Boys, que je dois lire depuis des années !
Cependant, Oihana a elle pris la plume pour chroniquer ce recueil : n’hésitez pas à lire son avis !
par Emily
La Mythologie viking, Neil Gaiman. Au diable vauvert, 2017. Traduit de l’anglais par Patrick Marcel.
Toute la lumière que nous ne pouvons voir : un très joli roman, mais faute de temps…
Voilà un roman qui diffère un peu des deux précédents car, contrairement aux lectures que je viens d’évoquer, j’ai aimé celle-ci. Encore un roman consacré par le prix Pulitzer, Toute la lumière que nous ne pouvons voir est un chouette roman sur la deuxième guerre mondiale, qui se présente sous la forme d’un récit en miroir : nous suivons deux enfants, chacun d’un bord de la guerre. Marie-Laure, une petite aveugle française et Werner, un petit génie allemand.
Si j’ai aimé, pourquoi n’ai-je pas pris la plume pour lui consacrer un article entier ? Le temps, mes amis, le temps. J’ai lu ce roman en juin, le temps a passé, et puis j’attends, moins je me sens légitime, moins je me sens capable d’écrire mon avis sur un roman. J’écris mieux à chaud, quand la lecture est toute fraîche, encore totalement présente dans mon esprit. Depuis, j’ai lu quelque chose comme une vingtaine de livres… Mais plutôt que de débattre éternellement sur mon manque d’organisation, je préfère vous dire ce qui m’a touché dans ce roman. On soulignera d’abord la narration extrêmement efficace, faite de chapitres très courts, qui sautent d’un personnage à l’autre avec aisance. On évoquera ensuite les personnages, tous extrêmement touchants : Marie-Laure, d’une candeur émouvante, Werner, pris dans l’engrenage du IIIe Reich, le père de Marie-Laure, qui construit une maquette de leur quartier pour lui permettre de se repérer sans ses yeux, Etienne et Mme Manec, les Résistants qui entourent la jeune fille… Enfin, on ne peut que parler de ce sublime ancrage historique, avec une description pointue du Saint-Malo en temps de guerre. Anthony Doerr est visiblement très doué pour créer une ambiance, et donner l’impression au lecteur qu’il voit véritablement tout ce qu’il décrit.
En somme, dans un contexte sombre et violent, Anthony Doerr arrive à créer des petites poches d’humanité, et des moments étonnamment lumineux. Ainsi, on ne peut qu’être touché par la rencontre, et la relation précieuse et émouvante, entre cette petite fille et Etienne, ce vétéran traumatisé par la première guerre mondiale… Un très joli roman.
par Emily
Toute la lumière que nous ne pouvons voir, Anthony Doerr. Le Livre de poche, 2016. Traduit de l’anglais par Valérie Malfoy.
Tout sur les tremblements de terre : un album pour être incollable sur les tremblements de terre !
Matthieu Sylvander a grandi en Haute-Savoie, ce qui explique sans doute sa fascination pour les montagnes : dessus, mais aussi dessous. Dans la vie, il tente de concilier ses activités d’auteur pour la jeunesse et de sismologue… un pari hautement réussi dans l’album docu-fiction Tout sur les tremblements de terre, illustré par Perceval Barrier.
Dans la Grande Plaine, il y a des cactus, une rivière et le tipi d’Aigle Tremblotant. Celui-ci a une occupation d’une importance capitale : il compte les tremblements de terre. D’ailleurs, au début de l’album, il en est à 2 556 762 ! C’est à ce moment-là qu’arrive Bob.
Bob a l’intention de construire une ville avec des immeubles, des ponts, des écoles, un stade, une bibliothèque, un hôpital, un aéroport, une gare et un tas d’autres bâtiments dont l’idée lui vient au fur et à mesure. Mais Bob n’est pas bien doué en constructions antisismiques… Heureusement pour lui, Aigle Tremblotant est de bon conseil.
L’album mêle donc fiction et documentaire, puisqu’Aigle Tremblotant, serviable, n’hésite pas à conseiller Bob sur la meilleure manière de construire les bâtiments de sa future cité. Et il en existe des techniques ! Au fil des pages, on découvre donc comment fonctionnent les tremblements de terre et comment tenter de s’en accommoder d’un point de vue architectural, tout en profitant d’une histoire menée avec entrain. Bel exemple de docu-fiction !
par Oihana
Tout sur les tremblements de terre, Matthieu Sylvander et Perceval Barrier. L’école des Loisirs, 31 mai 2017.
La Lectrice : tout ça… pour ça !
La Lectrice est le premier roman de Traci Chee, jeune auteur américaine – et le premier tome d’une série, publiée en version française dans la collection R. La Lectrice a été encensé sur les blogs et les réseaux sociaux et semblait, de prime abord, une lecture assez alléchante. Imaginez un peu : c’est l’histoire d’une jeune fille, Sefia, dont la famille a été décimée à cause d’un curieux objet rectangulaire.
Un livre.
Dans un univers où personne ne sait lire, ce livre prend soudain une incroyable importance.
Du coup, ça partait plutôt bien : un univers original où la lecture est interdite, un personnage autodidacte qui lit malgré tout, une triple quête de sens, de vérité et de vengeance… Et finalement non. Car malgré un pitch assez prometteur, le roman n’est finalement qu’un énième récit de fantasy sans grande originalité, dont la lecture n’est même pas le principal aspect, malgré ce qu’appelait le titre. Les péripéties auxquelles Sefia est confrontée ont tout d’un Hunger Games, remanié dans un univers médiéval. L’intrigue est confuse à force de détails assénés au lecteur sans la moindre subtilité. En outre, l’histoire superpose deux récits, et le plus prenant s’avère en fin de compte non pas celui de la protagoniste… mais celui qu’elle lit. Au bout de quelques 500 pages poussives, une chose est sûre : on se dispensera aisément de la suite.
Par Oihana
Concernant « Novembre » de J. Johnson, c’est vrai que ce n’est pas toujours évident de revenir à des textes aussi anciens – j’ai aussi fait une expérience pas transcendantale avec un autre livre paru dans cette collection, amusant une fois qu’on s’est pris au jeu, mais lent à l’allumage.
Je comprends donc cet avis mitigé!