ROMAN SUÉDOIS — Imaginez : un jour, vous vous rendez compte que tout le monde vous a oublié. Votre conjoint, votre mère, votre patron, vos amis. Pire : dès que les gens autour de vous vous perdent de vue, ils vous oublient de nouveau aussitôt. Aux yeux du monde, vous êtes un fantôme. Vous n’existez pas. C’est ce que vit Jack, le héros de L’Homme qui est tombé dans l’oubli. Bientôt, il se rend compte qu’il n’est pas le seul dans cette triste situation. On appelle ces gens qui ne parviennent à marquer les esprits les « oubliés ».
Partant d’un postulat de départ qui fait froid dans le dos, et qui joue avec notre peur peut-être la plus primitive, celle de l’abandon, du regard des autres qui nie notre existence même, Mia Ajvide nous livre un roman prenant mais légèrement anxiogène, qui induit une sensation de claustrophobie chez le lecteur. Forcément, impossible de ne pas s’identifier à Jack et son sort n’a rien d’enviable ! Son désespoir est palpable, mais notre héros trouve bien vite de quoi rebondir.
Il se lance en effet dans une quête obsessionnelle autour du personnage énigmatique d’Alma, une jeune noble réputée folle et morte à dix-sept ans dans le manoir transformé en musée où il travaillait. Personnalité trouble et mystérieuse, Alma semble réserver bien des secrets… Le lecteur apprécie l’enquête menée par Jack plus d’un siècle après, le nez dans les archives. C’est la vie de toute une famille suédoise noble du XIXe qui se dessine lors de cette quête de réponses et ma foi, c’est carrément intéressant ! Puis qui n’aime pas les histoires de fantômes, de folie, d’inscriptions mystérieuses ?!
Voilà donc un roman qui joue avec nos peurs sociales les plus profondément ancrées : en oubliant Jack, son entourage lui nie son statut d’être humain, son existence même. Nous nous définissons sans cesse grâce au regard des autres : que faire quand ils ne nous voient plus ? Le récit de Mia Ajvide propose une réponse intelligente et bien menée à cette question. Jack doit dès lors trouver une nouvelle manière de vivre. La communauté des oubliés pourra-t-elle constituer une sorte d’utopie ? Ou au contraire, sera-t-elle aussi gangrenée que la société traditionnelle ? Nous vous laissons le découvrir…
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