SCIENCE-FICTION JEUNESSE — L’an dernier, nous vous parlions de La Maison des reflets, un roman pour adolescents signé Camille Brissot, récompensé depuis du Prix Imaginales des Collégiens 2018 ! Le titre dont on parle aujourd’hui, s’il s’adresse aussi à un public adolescent, change radicalement de décor : bienvenue sur Terre, ou sur une planète qui y ressemble grandement, après une catastrophe d’ampleur planétaire !
Depuis la pandémie, on dirait qu’il ne reste guère d’humains sur Terre. En tout cas, ceux du Mont-Survie n’ont jamais croisé âme qui vive malgré de nombreuses missions d’exploration. Du haut du bastion, Otolan admire chaque jour la forêt qui les entoure à perte de vue, un véritable havre de paix et de verdure, pour peu que l’on ne pense guère à ce qui déambule sous les arbres. Car lorsque la montagne s’endort, que les lumières s’éteignent et que les voix se taisent, le vent porte un chant lugubre et inhumain : les gémissements continuels des limbes, les victimes de l’épidémie qui a ravagé la planète. Guère plus recommandables que des zombies, ces dangereuses créatures hantent les ruines des cités d’autrefois, cherchant à mordre – et à contaminer – tout ce qui bouge. Pourtant, malgré le danger, il y a bien une tradition à laquelle les rescapés du Mont-Survie ne dérogent jamais. À quinze ans, les jeunes doivent effectuer leur Sortie : en petits groupes, ils doivent atteindre des ruines, de l’autre côté de la forêt et en revenir, en vie.
Bientôt, ce sera au tour de Naha de s’aventurer dans la forêt ; Otolan refuse de rester cloîtré pendant que celle qu’il aime risque sa vie dehors. Quitte à enfreindre les règles et à se mettre en danger, lui aussi sortira !
Camille Brissot met en place un univers post-apocalyptique, sans aucun doute futuriste, mais qui se révèle aussi divisé que le nôtre, et aux classes sociales aussi peu perméables. En effet, le Mont-Survie est organisé en cercles : plus l’on monte, plus l’on atteint les quartiers riches, l’Arche (le centre de commandement) et les espaces nantis. Plus l’on descend, plus les cercles sont peuplés et plus les habitants sont exposés, non seulement aux attaques des limbes, mais aussi à des conditions de vie plus difficiles : manque de moyens, travail harassant, et autres joyeusetés sont au programme pour ces survivants qui triment nuit et jour. Otolan a grandi dans ces cercles défavorisés mais en a été extrait à l’âge de 5 ans ; seul survivant d’une attaque de limbes, il a été érigé en symbole du Mont-Survie. Seulement, à l’âge de 10 ans, il a choisi de redescendre de quelques cercles, ce qui lui vaut l’inimitié d’une partie de ses pairs – dont il n’a que faire. L’univers est donc organisé de façon assez classique pour un roman post-apocalyptique, puisque l’on y retrouve une société fortement clivée, opposant une caste de nantis et une caste de démunis ; c’est à ses personnages que le roman doit son charme.
L’intrigue s’appuie sur un petit noyau de protagonistes, essentiellement des adolescents de l’âge d’Otolan et Naha, comme Pietro, le meilleur ami d’Otolan (un “cercle inférieur”, lui aussi) et Rostre, l’ennemi intime d’Oto (car sans doute amoureux de Naha, originaire comme lui des cercles supérieurs). À leurs côtés, on a notamment la petite bande qui effectue sa sortie en même temps que Naha. Celle-ci regroupe des enfants de différents cercles et, sans surprise, ceux-ci reproduisent l’organisation en vigueur sur le Mont : en tête et profitant des meilleurs équipements et cachettes, donc, les premiers cercles (Naha et Rostre) puis, derrière, ceux des cercles inférieurs, avec Otolan et un autre enfant du même milieu en queue de file. Si le début peut paraître assez calme, c’est pour mieux faire remonter la tension dès les prémices de la Sortie. Celle-ci ne sera pas de tout repos, d’une part parce que les limbes peuvent être partout, mais aussi parce qu’il faut gérer les jalousies internes et les bisbilles qui grandissent entre les membres du groupe : deux excellentes raisons, donc, de se sentir sous pression. L’intrigue est palpitante et, si tous les rebondissements ne font pas hurler de surprise, d’autres sont extrêmement surprenants, au même titre que certaines décisions des personnages qui peuvent laisser sans voix !
En quelques 400 pages, Camille Brissot met sur pied un univers extrêmement fourni, dont la luxuriance ne dissimule pas les profondes inégalités qui perdurent, zombies ou pas. Du côté de ces derniers, c’est une intrigue sans répit qui nous est livrée, avec force scènes d’actions et rebondissements en tous genres. Encore un bon titre pour elle au rayon ados !
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