FANTASY JEUNESSE — Melissa Albert est une éditrice et journaliste américaine, dont le premier roman Hazel Wood vient d’être traduit et publié en France. Et quel roman !
« Ne t’approche sous aucun prétexte d’Hazel Wood ». Tels sont les derniers mots adressés par Ella à sa fille Alice juste avant son enlèvement par de bien mystérieuses personnes.
Hazel Wood est la légendaire résidence de la non-moins légendaire grand-mère d’Alice, Althea Proserpine qui, quelques décennies plus tôt, a publié un recueil de contes sanglants, Les Contes de l’Hinterland, avant de se replier dans sa propriété à l’adresse tenue secrète.
Depuis toujours, d’étranges choses se produisent dans le sillage d’Alice et de sa mère, qui vivent comme deux nomades, passant rarement plus d’un an au même endroit, une malchance tenace semblant les poursuivre avec acharnement. Or, cette malchance prend de plus en plus l’apparence de personnes ou d’êtres qui semblent tout droit issus des contes publiés par Althea et dont les motivations sont plus qu’obscures.
Pour Alice, la solution est simple : pour sauver sa mère, elle doit aller à la rencontre de cette énigmatique grand-mère qu’elle n’a jamais vue. Et donc s’aventurer à Hazel Wood. L’endroit d’où personne ne revient jamais.
Hazel Wood est donc un roman qui s’imprègne fortement des contes et des schémas narratifs qui leur sont liés, mais dans une version nettement plus sombre que ce à quoi nous a (mal) habitués Disney ; ainsi, dès le départ, on baigne dans une ambiance toujours à la limite de l’onirisme, du fantastique et de l’horreur. Car il y a dans l’histoire d’Alice et d’Ella des zones d’ombre, des plaies ouvertes et des choses innommables qui semblent se terrer dans les ténèbres. Mais, assez vite, il apparaît clairement qu’elles ne sont pas folles à lier et que c’est le surnaturel qui s’invite dans leur quotidien. À partir de là, on bascule en territoire fantasy, avec univers parallèles, pouvoirs magiques, destinées à accomplir et antagonistes acharnés, bien sûr !
Le spectre des Contes de l’Hinterland, dont on n’entendra parler que par bribes et rarement en intégralité, plane sur le texte. Et c’est de ce texte aussi emblématique que secret que vient l’ambiance à la limite de l’horreur. Les meilleurs films du genre nous l’ont appris : ce n’est pas ce que l’on voit qui terrifie le plus, mais bien les choses qui échappent au visible et au dicible. Or il plane sur Les Contes de l’Hinterland exactement le même genre d’interdit : les posséder est dangereux et en parler confine au sacrilège !
Dans ces conditions, la quête de vérité d’Alice, quoiqu’épaulée par Ellery, un camarade de lycée sous lequel se dissimule un fan inconditionnel des fameux contes, est plus que semée d’embûches et, par là même, pleine de suspens. En effet, pour sauver Ella, il faut d’abord trouver Hazel Wood, tâche devant laquelle même les plus acharnés des fans ont renoncé. Une fois la propriété trouvée, il faut en comprendre les règles bien particulières et naviguer parmi les écueils qui se présentent.
L’ambiance très soignée mise à part, on pourra regretter que les personnages ne soient pas plus creusés que cela : hormis Alice qui est un peu mieux lotie, les autres font quasiment office de tapisserie et on serait bien en peine de les qualifier précisément. Ceci étant dit, c’est aussi une caractéristique des contes que d’offrir des personnages stéréotypés, sans passé et sans grande profondeur, auxquels il est plus que facile de s’identifier.
Chouette découverte, donc, que ce premier roman de Melissa Albert. Le thème des contes est éculé mais, malgré cela, elle parvient à faire d’Hazel Wood un roman original et très prenant. Ce qui vient sans aucun doute de l’ambiance sinistre à souhait qui plane tant sur l’univers que sur les personnages !
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