MEURTRE ET MAGIE — Bienvenue à Baton Noir : Jude Lomax vit depuis toujours dans ce bastion magique gangréné par le crime et les enchantements les plus sordides. Une sorte de version fantasmée et glauque à outrance de La Nouvelle Orléans, qui a pourtant déjà une part sombre indéniable… C’est dans ce panorama terrible qu’Alex Bell a décidé de placer son intrigue.
S’inspirant des mythes et de l’ambiance de la célèbre métropole lousianaise, Alex Bell imagine une magie ressemblant beaucoup au vaudou, avec ses rites et ses légendes. Chaque année, une reine « cojoue » est élue et son pouvoir est tel qu’elle pourra influencer toute la ville, en bien comme en mal. Seulement voilà : cela fait plusieurs décennies que c’est toujours la même femme qui est élue, une femme qui fait pencher la ville entière vers l’obscurité. Un jour, cependant, elle est brutalement assassinée. Et alors que Jude joue avec son orchestre à ses obsèques, elle accueille malencontreusement l’âme de la défunte en elle : elle sera possédée par l’esprit de la reine cojoue jusqu’à ce qu’elles élucident le meurtre de celle-ci !
Je pense que je l’ai déjà dit plusieurs fois mais je le répète : ce récit est sombre, étonnamment pour un roman qui se veut Young Adult. C’est aussi bien un roman à suspense qu’un récit d’ambiance : maisons hantées, cimetières peuplés de spectres, marécages dangereux… Toute l’atmosphère la plus effrayante que l’on prête à La Nouvelle Orléans (le nom de la ville allant jusqu’à faire un gros clin d’oeil à Baton Rouge, autre grande ville de Louisiane) est présente entre ces pages, le roman jouant aussi sur le trope de la maison hantée, et, bien sûr, sur le thème de la possession. Le roman est donc plus violent que prévu, avec des personnages odieux, dont l’un est lié à une affaire véritablement sordide qui semble prendre ses racines dans un véritable fait divers de La Nouvelle Orléans, celui du manoir Lalaurie. Cette maison, que l’on peut toujours voir en ville, est réputée hantée depuis. Alors que Jude doit faire avec cette colocataire non désirée, elle doit donc côtoyer des personnages peu recommandables et visiter des lieux où jamais ses pas ne l’auraient menées sinon.
Au-delà de l’enquête et de l’aspect magique, le roman explore les chemins du deuil et du traumatisme, et propose une réécriture de la ségrégation, ici non pas entre couleurs mais entre « royauté magique » et simples humains, faisant ainsi de ce roman quelque chose de bien plus profond qu’anticipé. La surprise est agréable.
C’est un récit très réussi, bien que volontiers déstabilisant. J’ai beaucoup aimé, malgré la violence de certaines scènes.
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